France

1/6 : Une Unité d’habitation pour Marseille

Lorsque Raoul Dautry annonce à Le Corbusier qu’il souhaite que celui-ci puisse construire à Marseille un Immeuble Sans Affection Individuelle (ISAI) sur un terrain qui sera choisi ultérieurement, le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme n’a pas encore vraiment associé la municipalité phocéenne.

Il faut reconnaître que les relations à la Libération entre le Gouvernement provisoire de la République et les communistes marseillais sont compliquées. 

Il va falloir étudier successivement trois implantations différentes avant de pouvoir trouver le terrain définitif sur lequel Le Corbusier construira sa première Unité d’habitation. 

C’est ce qu’explique André Wogenscky en 1947 dans un numéro spécial de sa revue L’Homme et L’Architecture.      

      

Esquisses de l’Unité d’habitation

Revue L’Homme et l’Architecture, 1947

Premier terrain : La Madrague

En août 1945, le ministre de la Reconstruction demande à le Corbusier une esquisse pour une application de ses principes d’immeubles d’habitations à Marseille. 

Le premier terrain proposé à Le Corbusier est situé au nord de Marseille, à la Madrague (N°1 sur le plan ci-dessus, juste à côté du port N.D.L.R.).

C’est un terrain de forme irrégulière et qui comporte de grandes dénivellations. 

Le Corbusier propose la construction de trois bâtiments :

  • Immeuble A :  218 appartements orientés à l’est, au sud et à l’ouest, pour 962 habitants
  • Immeuble B :  108 appartements orientés au sud, pour        479 habitants
  • Immeuble C :  villas suspendues orientées également au sud, pour 192 habitants
Dessin, André Wogenscky

Deuxième terrain : Boulevard Michelet

Le terrain de la Madrague présentait plusieurs inconvénients au point de vue du quartier et de l’accès. En automne 1945, un autre terrain (numéro 2) fut proposé à Le Corbusier, le long du boulevard Michelet, au sud de la ville : terrain plat, sans arbres, entouré de petites maisons de banlieue : accès magnifique par le boulevard Michelet, qui a, comme l’avenue du Prado, 45 mètres de largeur et quatre rangs de platanes.

Le Corbusier accepte ce terrain pour lequel fut étudié un avant-projet qui comprenait, en plus des plans présentés ici, une première étude des appartements.

Entre temps fut commencée l’étude technique du projet au point de vue structure, cellules préfabriquées, canalisations, chauffage, etc…

Chaque appartement comporte deux étages de 2.26 m. sous plafond, l’un au niveau de la rue intérieure, l’autre soit au-dessous, soit au-dessus. Les appartements sont imbriqués les uns les autres sur trois niveaux, dans chacun des cinq étages courants d’appartements.

Une rue intérieure et une station d’ascenseurs desservent ainsi trois étages. Au-dessus et au-dessous des halls d’arrêt des ascenseurs, des salles peuvent être utilisées comme clubs de jeunesse (deux par étages courant, par conséquent dix dans l’immeuble).

Sur la photo, les loggias brise-soleil des appartements, les deux étages intermédiaires des services communs et le mur vertical des halls d’ascenseurs et des clubs.

 

Troisième terrain : Quartier Saint-Barnabé

Après l’acceptation de l’avant-projet, en juin 1946, le terrain situé en bordure du boulevard Michelet (n°2), pour lequel l’avant-projet avait été étudié, fut refusé par les services municipaux qui le destinaient à la construction d’une station d’épuration.

Un nouveau terrain fut alors proposé à Le Corbusier, dans le quartier de la ville, dit Saint-Barnabé  (terrain n°3). Il s’(agissait d’un grand jardin potager et verger d’une importante propriété privée dans un quartier e petites maisons familiales et de jardins.

Entre temps, l’étude architecturale et technique était activement poursuivaient, en octobre 1946, un grand nombre de plans d’ensemble et de détails étaient achevés, où apparaissaient déjà plusieurs solutions de structure et d’équipements techniques.

 

Quatrième terrain : Retour boulevard Michelet

Mais en octobre, de nouvelles instructions provoquaient un nouveau changement : le bâtiment ne seraient pas construit à Saint-Barnabé. Une réunion décisive fut organisée à Marseille, et le choix unanime fut porté sur un nouveau terrain occupé par un dépôt de vieilles voitures militaires et situé, lui aussi, en bordure du boulevard Michelet, très près du terrain n°2. Ce nouveau terrain est heureusement le plus beau des quatre.

Cependant, le troisième changement a forcé de retourner complètement le bâtiment pour des raisons d’implantation, d’orientation, d’accès et d’esthétique. Les plans, qui ne pouvaient être retourné symétriquement sans de nombreux changements, furent réétudiés et redessinés, et le ‘’projet’’ fut présenté et adopté en mars 1947. Il comprenant environ 170 plans d’architecture et de technique. 

SOURCES :

  • ”L’Homme et l’Architecture”, numéro spécial 1947
  • ‘’Le Corbusier / Cinq Unités d’habitation’’, Vincent Bertaud du Chazaud, Éditions du Moniteur, 2022, 180 pages
  • ”L’architecture de la Reconstruction”, Gilles Plus, Editions Nicolas Chaudun, 2011, 287 pages