Edifices religieux

6/7. Des édifices religieux de la Reconstruction improbables

Dans ce millier d’églises à reconstruire après la guerre, mais aussi parmi les églises, les chapelles et les ermitages qui furent construits dans les années suivantes, un certain nombre pouvait paraître à première vue véritablement improbables, et pourtant ils sont sortis de terre grâce à la volonté de leurs promoteurs ou à l’originalité de leur architecte.

Dans ce millier d’églises à reconstruire après la guerre, mais aussi parmi les églises, les chapelles et les ermitages qui furent construits dans les années suivantes, il faut reconnaître que certains pouvaient paraître à première vue véritablement improbables, et pourtant ils sont sortis de terre et vous pouvez les visiter. Sauf le dernier qui s’est littéralement dégonflé corps et âme !

  
  

L’église Notre-Dame de la paix de Villeparisis

L’église Notre-Dame de la paix de Villeparisis est aussi connue sous le nom de l’église ‘’des HEC’’.

A l’origine de ce projet, l’aumônier de l’école des Hautes Études Commerciales venu assuré le remplacement du curé de la paroisse pendant ses vacances. Constatant l’étroitesse de la chapelle située dans le nouveau quartier en pleine expansion de cette petite commune rurale voisine d’Aulnay-sous-Bois, l’aumônier mobilise un groupe d’HEC autour d’un pari assez fou : faire construire pour ce nouveau quartier populaire, une église en tous points remarquable.

C’est ainsi que l’architecte Maurice Novarina et l’ingénieur Bernard Lafaille ont conçu un véritable joyau. L’édifice de forme elliptique est coiffé d’un voile mince en béton paraboloïde hyperbolique de 5 cm d’épaisseur semblable à celui de l’église Notre-Dame de Royan. Le peintre Jean Bazaine a dessiné le grand vitrail qui a été réalisé par Jean Loire, maitre-verrier à Chartres.

A Noisy-le-Grand, la chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis

Autre édifice né d’un pari fou, la chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde à Noisy-le-Grand. Comme l’explique Élodie Maurot dans un reportage paru dans le journal La Croix en avril 2022, cette chapelle « témoigne d’une autre réalité de la Reconstruction et des Années 50 ». Elle fut construite en 1957 avec des matériaux de récupération, « au sein du camp pour sans-abris aménagé pour héberger des sans-abri à la suite de l’appel de l’abbé Pierre pendant l’hiver 1954, croyants de toutes religions et non-croyants,. Son architecture rappelle les abris sommaires du bidonville, baptisés « igloos ». Le peintre Jean Bazaine et la vitrailliste Marguerite Huré ont créé pour l’édifice cinq vitraux évoquant les mystères glorieux du Rosaire. Lorsque le camp a été détruit, en 1969, la chapelle fut démontée pierre par pierre et déplacée, pour être reconstruite, rue Jules-Ferry, près de la Cité familiale d’ATD Quart Monde. Classée aux monuments historiques en 2016, elle a fait l’objet d’une importante restauration en 2019-2021 ».

L’ermitage de Saint-Rouin à Beaulieu-en-Argonne

Construit entre 1954 et 1961, l’ermitage de Saint-Rouin est érigé au cœur de la forêt d’Argonne dans la Meuse selon les plans élaborés par le père Rayssiguier, dominicain, disciple de Le Corbusier et co-auteur de la chapelle de Vence. 

Implanté sur un terrain en pente, l’ermitage de Saint-Rouin est construit sur des pilotis qui l’isolent de l’humidité. L’édifice est formé d’un bloc massif sur plan trapézoïdal construit en béton brut et percé d’ouvertures aux formes géométriques. La toiture terrasse est surmontée d’un clocheton en béton jouxté par une croix en aluminium de 7 mètres de haut. Les arabesques incrustées en façades et le dessin des vitraux sont l’œuvre de Kimié Bando, une jeune artiste japonaise âgée de 14 ans. 

Le chemin à parcourir pour accéder à l’édifice, rendu difficile par le fort dénivelé et le choix délibéré de ne pas avoir aménagé le sentier, est propice au recueillement et à la méditation.  « L’édifice est difficile d’abord (écrit l’abbé Hennequin). Dieu l’est davantage. Il ne suffit pas d’entrer dans un lieu saint pour l’y trouver. Il faut auparavant rompre avec les affaires du monde, recueillir ses puissances éparpillées et élever son âme disponible ».

L’Église Saint-Martin de Foucarmont

« On l’aime ou on ne l’aime pas. Certains la trouvent originale, belle même et d’autres la comparent à un blockhaus en raison de sa forme massive, épurée et du béton omniprésent.

D’autres encore s’accordent, même si la vue extérieure n’est pas à leur goût, sur sa beauté intérieure ».

Quoi qu’il en soit, cette imposante église paroissiale construite à la fin des années 50 dans ce tout petit village normand du pays de Bray, ne peut laisser indifférent et mérite de figurer dans ces édifices religieux improbables. 

Œuvre de l’architecte Othello Zavaroniqui, Grand Prix de Rome, l’église de Fourcarmont, tout en béton brut, est coiffée d’un toit dont les bords arrondis rappellent la chapelle de Ronchamps.

La nef rectangulaire est éclairée au sud par une longue claustra en béton dans laquelle sont enchâssés des vitraux multicolores. Le chœur semi-circulaire, d’une certaine manière, annonce l’église Sainte-Bernadette du Banley de l’architecte Claude Parent. Le campanile en béton d’une bonne trentaine de mètres de hauteur a quant à lui une forme de diapason tout à fait originale. 

  

La basilique du Sacré-Cœur d’Alger

L’archevêque d’Alger ayant formulé le vœu d’ériger au centre d’Alger une église singulière, les architectes Paul Herbé et Jean Le Couteur, associés à l’ingénieur Sarger vont ainsi construire à la fin des années 50, une église qui a tout de suite été comparée aux tours de refroidissement des centrales nucléaires dont la France commençait à s’équiper. 

Comme l’explique Vincent Bertaud du Chazaud, « la construction en béton armé apparent est réalisée à partir d’un plan carré au sol. Le voile béton en hyperboloïde de révolution de la tour lanterne repose sur quatre points porteurs formés chacun d’un couple de poteaux inclinés de section variable. L’extérieur est recouvert d’une mosaïque en pâte de verre. Les bas-côtés du plan de la basilique sont formés d’une ceinture de voiles gauches en forme de paraboloïdes hyperboliques de dix centimètres d’épaisseur, et dont le mât de soutien incliné en béton armé vient rejoindre la base de chaque poteau. Enfin les murs latéraux formant paravent sont surmontés de vitraux assurant la fermeture de la basilique et la dilatation de la structure.  

Forts des leçons tirées du séisme d’Orléansville de 1954, Sarger et les ingénieurs ont travaillé sur cet édifice de façon à le rendre indéformable grâce à sa géométrie, et en appliquant des coefficients de sécurité exceptionnellement élevés pour sa construction.

Le chemin à parcourir pour accéder à l’édifice, rendu difficile par le fort dénivelé et le choix délibéré de ne pas avoir aménagé le sentier, est propice au recueillement et à la méditation.  « L’édifice est difficile d’abord (écrit l’abbé Hennequin). Dieu l’est davantage. Il ne suffit pas d’entrer dans un lieu saint pour l’y trouver. Il faut auparavant rompre avec les affaires du monde, recueillir ses puissances éparpillées et élever son âme disponible ».

Pour conclure ce chapitre des églises improbables, qu’il me soit permis de sauter tout de suite jusqu’en 1969 pour évoquer cette église éphémère, construite par l’architecte Hans-Walter Müller, grand spécialiste des structures gonflables. Cette église gonflable fut installée à  Montigny-les-Cormeilles et accueilli deux fidèles. Malheureusement, l’expérience ne dura qu’un weekend !

JLV

Sources :

  • ‘’Architecture religieuse au XXème siècle, quel patrimoine ?’’, ouvrage collectif sous la direction de Céline Frémaux, Presses Universitaires de Nantes & Institut National d’Histoire de l’Art, 2007
  • ‘’Patrimoine Sacré du XXème et du  XXIème siècle, Paul-Louis Rinuy, collection patrimoine en perspective, Éditions du patrimoine   
  • ’Vingt siècles d’architecture religieuse en France’’, Jean-Michel Leniaud, Éditions Patrimoine Références, 2007
  • ‘’L’’architecture moderne en France, tome 2, du chaos à la croissance, 1946-1966’’, Joseph Abram,  Éditions Picard, 1999
  • ’la construction d’églises dans la seconde moitié du XXème siècle : une affaire d’État ?’’ Céline Frémeaux
  • Les temples protestants « monuments historiques » en Poitou-Charentes, Brigitte Montagne, Yannick Comte et Catherine Tijou, https://doi.org/10.4000/insitu.4893
  • ‘’Auguste Perret’’, collection Carnets d’architectes aux éditions du Patrimoine
  • ‘’ Georges-Henri Pingusson’’, collection Carnets d’architectes aux éditions du Patrimoine, 2011
  • ‘’Construire une église’’, Georges-Henri Pingusson, L’Art Sacré, novembre 1938