HISTOIRE DE LA RECONSTRUCTION 1/5
Au sortir de la guerre, le bilan des pertes et des destructions est énorme : 600.000 morts, presqu’autant d’invalides, entre 4 et 5 millions de sinistrés. Plus de 10% de la population se trouvent ainsi sans-abri.
Initiée par le régime de Vichy dès le début du conflit, la Reconstruction de la France constitue une œuvre gigantesque, unique dans l’histoire de France, car nombreuses sont de villes qui ont été rayées de la carte.
Sur une population française d’environ 40 millions d’habitants, on compte 600.000 morts, presqu’autant d’invalides, entre 4 et 5 millions de sinistrés (soit plus de 10% de la population sans toit, la guerre n’ayant fait qu’amplifier le phénomène de population vivant dans des conditions déplorables).
460.000 immeubles sont complètement détruits, 1.600.000 endommagés, soit presqu’un quart du parc immobilier.
22.000 kilomètres de voies ferrées et plus de 14 000 ouvrages d’art sont à reconstruire ou à réparer. 60 000 établissements industriels sont sinistrés. 80% des installations portuaires sont hors d’usage.
Sur les 38 000 000 communes françaises, 1 822 vont être déclarées sinistrées, dont 15 des 17 villes de plus de 100 000 habitants.
Alors que les destructions de la Première Guerre Mondiale avaient été concentrées sur les treize départements du nord-est de la France, les destructions de la Seconde Guerre Mondiale ont touché l’ensemble de l’hexagone.
Ces destructions sont surtout concentrées au début du conflit sur le Nord (Calais, Dunkerque, Maubeuge, Sedan), puis sur la Loire (Saumur, Tours, Orléans, Gien), enfin à partir de 1941 sur les villes industrielles et les bases allemandes portuaires (Nantes, Lorient, Brest et Cherbourg…). Les destructions sont massives là où ont eu lieu les combats lors du Débarquement (notamment Toulon, Vire, Saint-Lô, Caen, Lisieux, Le Havre, Rouen et Evreux) et les poches de résistance allemande avec en premier chef, Royan.
Dans ce paysage de décombres et de ruines, il faut également citer toutes les zones qui ont été minées par les Français pour renforcer la Ligne Maginot, ainsi que toutes les mines posées par les belligérants durant le conflit, autant de terrains qu’il faudra lentement déminer afin de les rendre à nouveau constructibles.
Créé en novembre 1944, ce nouveau ministère est confié à Raoul Dautry, polytechnicien et grand commis de l’État, connu pour ses grandes qualités d’organisateur (il fut nommé ministre de l’armement en septembre 39). De plus, il connaissait bin les problématiques de l’habitat social pour avoir été président de la Ligue Nationale contre les taudis, et avoir remis le rapport qui servi de base à l’élaboration de la loi Loucheur de 1928.
Raoul Dautry conçoit le MRU comme une structure relativement légère au début, regroupant autour de la Délégation Générale à l’Équipement National (DGEN) et du Commissariat à la Reconstruction Immobilière (CRI) à la fois des ingénieurs, des anciens des chemins de fer et des architectes. Au plus fort de son action, le MRU a compté environ 15 000 personnes.
« Libéralisme ou dirigisme ? Mener une politique dirigiste, n’était-ce pas continuer Vichy sans Pétain ? Cela n’a rien à voir avec la reconstruction affirment les experts. A peine entamée en 1945, la discussion est pratiquement close en 1947, tant était ancrée l’idée que seul l’État, dans l’intérêt de la Nation toute entière, pouvait ressusciter les villes » souligne Danièle Voldman, grande spécialiste de la période.
Raoul DAUTRY
François BILLOUX
La Reconstruction n’aurait très probablement pas pu être menée à bien aussi rapidement si à la Libération les pouvoirs publics n’avaient pas pu et su s’appuyer l’action de l’administration ad hoc qui avait mise en place par le gouvernement de Vichy pour faire face aux destructions du début de la guerre et aux bombardements alliés à partir de 1941. Une première loi, en octobre 1940, avait garanti la prise en charge des dommages de guerre par l’État. La loi du 15 juin 1943 est un texte fondateur, à l’origine de notre Code de l’urbanisme. Une loi qui a d’ailleurs été déclarée dès 1945 « provisoirement applicable », et nombre de ses dispositions ont perduré bien après la Libération.
Vichy affiche son projet de reconstruction d’Orléans
Sur le terrain, les autorités françaises ont fait réaliser dès 1941 par des urbanistes et des architectes locaux, de nombreuses plans de reconstruction des villes détruites, comme on peut le voir sur cette photo concernant Orléans.
Ces études n’ont toutefois pu être mises en œuvre compte tenu du conflit, du manque de main d’œuvre qualifiée et de matériaux de construction, et bien sûr d’argent pour les payer. Toutefois, ces études ont pu être reprises à la Libération et servir de base aux nouveaux schémas d’urbanisme soumis au MRU. Nombre de leurs auteurs ont d’ailleurs été des acteurs importants de la Reconstruction.
En créant en décembre 1940 l’Ordre des Architectes, le gouvernement de Vichy a satisfait la revendication historique portée par les architectes diplômés, notamment les architectes DPLG (Diplômés Par Le Gouvernement) de se voir reconnaître comme seuls autorisés à porter ce titre, par opposition à tous les ingénieurs, géomètres, voire entrepreneurs qui jusqu’alors pouvaient se présenter comme architectes.
Face à l’ampleur des chantiers de la Reconstruction, à la nécessité de concevoir tout à la fois des plans d’urbanisme, d’intégrer les nouveaux procédés de construction et de conduire toutes ces opérations immobilières, le MRU sut heureusement faire cohabiter tous ces différents corps de métier, dont celui naissant d’urbaniste.
Pour occuper ces fonctions et pour répondre aux commandes financées par l’État ou par les dommages de guerre, les architectes devaient avoir été préalablement labellisés « architecte de la Reconstruction » par le MRU. Ils se voyaient alors attribuer par le MRU une notation qui déterminait leur niveau d’intervention (d’architecte de talent à architecte courant, architecte passable, architecte favorable débutant, architecte favorable collaborateur). On voit ainsi combien le Ministère avait souhaité garder une mainmise sur ces chevilles ouvrières de la Reconstruction.
S’ils sont souvent mis en avant, les architectes ne doivent pas cacher l’importance des ingénieurs et des géomètres dans la Reconstruction. Les géomètres tout d’abord, dont l’intervention a été indispensable pour sortir des champs de ruines et mener à bien tout l’effort de remembrement. Les ingénieurs ensuite compte tenu de l’ampleur des ouvrages d’art à reconstruire, et pour concevoir toutes ces prouesses constructives en béton armé. Sans oublier tous les produits nouveaux et les nouveaux procédés constructifs qui ont permis d’accélérer la reconstruction.
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J-L V.
Article rédigé en grand partie à partir des documents suivants :