Les bombardements allemands de juin 1940 causent de nombreuses destructions, principalement en centre-ville. Durant l’été 1944, les bombardements alliés provoquent de nouvelles destructions. Mais, le 16 aout 1944, Orléans est libérée.
Si l’architecte Jean Royer aura été choisi pour établir par deux fois un plan de reconstruction de la ville : en 1940 et en 1944, la reconstruction d’Orléans est surtout associée au nom de son architecte-en-chef, Pol Abraham, et de son ”chantier d’expérience”.
Comme toutes les villes-ponts sur la Loire septentrionale (Gien, Sully-sur-Loire, Chateauneuf-sur-Loire, Blois, Tours, Saumur…) Orléans est bombardée par l’aviation allemande en mai-juin 1940. Ces bombardements causent de nombreuses destructions sur 17 hectares principalement en centre-ville.
L’Armistice de juin 1940 contraint l’État français à reconstruire les villes sinistrées. Le gouvernement de Vichy nomme alors Jean Royer, directeur de la revue Urbanisme, architecte-en-chef du département du Loiret et lui confie le soin d’établir un plan de reconstruction d’Orléans. Il est soutenu par le préfet du Loiret Jacques Morane, qui avait été le directeur-adjoint de l’Exposition internationale de Paris de 1937.
Pour résorber les difficultés de circulation au centre-ville, l’urbaniste Jean Royer prévoit le doublement à l’ouest et à l’est de la rue Royale qu’emprunte la nationale 20 Paris-Toulouse .
Alors que dans la plupart des villes concernées, les plans de reconstruction lancés pendant l’Occupation sont restés au stade des études compte tenu de la violence du conflit et du manque de moyens de construction, à Orléans, les opérations de déblaiement des ruines ont rendu enfin possible le prolongement de la rue Jeanne d’Arc qui jusqu’alors avait été impossible du fait du coût des expropriations, ainsi que et l’élargissement de la rue d’Illiers que traverse la nationale 155 Orléans-Saint-Malo.
Le gouvernement de Vichy a indéniablement préparé la Reconstruction mise en œuvre après la Libération. Des plans de reconstruction ont été établis au niveau des villes, une législation a été promulguée concernant l’indemnisation des sinistrés, des comités techniques ont planché sur la normalisation des procédés constructifs et le développement de la préfabrication de façon à pouvoir construire à moindre coût.
Par contre, sur le plan esthétique, le régime conservateur du maréchal Pétain (”La France, elle ne ment pas”) a cherché à promouvoir une architecture néo-régionaliste cherchant à réinterpréter les particularismes locaux, parfois jusqu’au pastiche.
Pour le projet du Foyer Orléanais devant regrouper notamment un nouveau théâtre et une nouvelle Salle des Fêtes, le projet proposé par les architectes Claude Ferret et Paul Domenc est toutefois tout à fait dans la tradition des Beaux-Arts d’avant-guerre.
Extraits de l’article de Jean Royer ”le plan de reconstruction d’Orléans” dans Architecture d’Aujourd’hui en juillet 1946
Orléans est un vaste demi-cercle tracé sur la rive droite de la Loire, avec le fleuve pour base et comprenant trois zones concentriques :
Tout cela aussi peu rationnel que possible, étriqué, inconfortable, mal équipé, avec des problèmes de circulation qui n’ont jamais été résolus.
“L’agglomération doit être organisée. Orléans est, en effet, un carrefour, une étape et un site.
Il y aura demain des autostrades. Il faut trois ponts. Il faut reconstruire le pont Joffre et doubler le pont de Vierzon d’un pont routier.
La gare d’Orléans et celle des Aubrais devront être fusionnées. Le principe de la gare unique est l’une des conditions du développement d’Orléans. Les services compétents étudient l’éventualité d’un terrain d’aviation au sud de la Loire, sur la commune de Saint-Cyr-en-Val. De plus, il existe un aéroport militaire.
Il faut resserrer la ville trop étendue car Orléans souffre et meurt de son éparpillement. Il faut aménager les quais. Ils ne sont pas assez hauts au-dessus de la Loire. Leurs berges, informes et lépreuses, appellent une régularisation et un aménagement : balcon ou terrasse, comme dans les villes suisses qui bordent le lac de Genève, par exemple”.
“Quant à la ville neuve, que nous verrons s’édifier sur les vingt hectares libérés par le recul de la gare et de ses installations actuelles, aucune servitude, aucun tracé ancien n’y gêneront la reconstruction. Les conceptions modernes pourront s’y développer dans le sens de la grandeur et du confort. Bref, ce quartier sera de notre époque, sans timidité ni mesquinerie. Nous aurons là, pour reloger les sinistrés, ainsi que les locataires des quartiers insalubres, pour décongestionner le centre, pour ramener en ville une population trop dispersée, et enfin pour accueillir un surcroît d’habitants, une liberté absolue de tracé aussi bien que de développement en hauteur. De chaque côté de l’avenue résidentielle, qui prolongera jusqu’à la gare future la rue de la République, s’lèveront des immeubles imposants, aérés, au milieu d’espaces libres et de verdure”.
“Le projet de gare unique, avec recul de a gare actuelle, exige en contrepartie, la création d’un réseau de transports urbains, souples et fréquents. Enfin, Orléans aura sa gare routière dont on ne conçoit pas qu’elle puisse être séparée de la station ferroviaire“.
Le 19 janvier 1945, Pierre Chevallier, maire d’Orléans déclare que depuis un siècle, la ville a suivi un développement chaotique, qu’il faut « profiter naturellement de la catastrophe (…) pour sortir de ce marasme » et « faire d’Orléans une ville moderne, digne de son passé ». En cela, il fait partie des partisans favorables aux idées modernes portées par le MRU et par l’urbaniste Jean Royer.
Le Maire va alors créer une commission extra-municipale dite « de la Renaissance d’Orléans », composée de près de 75 personnalités issues des milieux politique, culturel, économique, touristique ou encore militaire. Elles ont pour mission de se prononcer sur les projets développés dans le plan voire de suggérer de nouvelles idées.
Le projet de création d’une gare unique qui se situerait entre le cimetière et le boulevard du Québec est séduisant, mais coûteux. La SNCF et le Ministère des Transport hésitent à s’engager concrètement, et le projet est finalement abandonné en 1954.
Le projet de construction du Foyer Orléanais regroupant le théâtre, la salle des fêtes, des salles de conférence, voire un cinéma municipal est lui aussi abandonné pour des raisons financières en 1955. C’est l’immeuble de la Sécurité sociale qui sera finalement construit en lieu et place de ce centre culturel et intellectuel.
La reconstruction de la rue Royale va faire l’objet d’intenses débats. Une partie de la rue et des immeubles qui la bordent ont été détruits pendant la guerre. Or il s’agit d’une des principales artères de la ville. La nationale 20 l’emprunte, ce qui n’est pas sans poser des problèmes avec l’augmentation du trafic automobile. De plus, la rue Royale, ouverte au XVIIIème siècle figure à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Finalement, il est décidé de reconstituer la rue Royale dans l’esprit de son état d’origine. La chaussée est élargie en supprimant les trottoirs. Les vitrines des magasins ne donnent plus directement sur la rue, mais sous repoussées sous les arcades afin de dégager une galerie pour le passages des piétons. L’ensemble des logements bordant la rue sont reconstruits, et non pas seulement les logements détruits par les bombardements.
Les opérations de remembrement sont rondement menées puisqu’au printemps 1945, elles sont pratiquement finalisées pour les cinq premiers îlots du centre-ville. Le MRU va ainsi en profiter pour choisir Orléans à titre expérimental pour conduire l’un des premiers chantiers permettant de tester de nouvelles techniques de préfabrication.
Dirigé par l’architecte Pol Abraham, architecte en chef de la reconstruction d’Orléans, ce chantier va avoir un retentissement très important. Les bâtiments construits entre 1945 et 1949 dans des délais particulièrement courts par rapport aux chantiers qui ont recours aux procédés constructifs traditionnels, et ils sont d’une très grande qualité architecturale (cf. l’article que nous consacrons à ce chantier d’expérience).
Comme le souligne Gilles Plum « L’originalité du chantier est d’être industrialisé au maximum, des éléments standard étant produits en usine et simplement assemblés sur place par des équipes réduites d’ouvriers souvent peu qualifiés. Pourtant, malgré des préoccupations très modernes, les immeubles construits sont très classiques de forme ». Abraham s‘en explique : « les témoins du passé sont très proches, et certains d’une certaine qualité pour qu’il soit impossible de concevoir une architecture qui ne tienne pas compte du voisinage.
(…) De manière inédite, Pol Abraham sort franchement de l’alternative pastiche rupture, avec un système de construction résolument moderne et pourtant efficace. Il prouve que modernité ne veut pas dire forcément abolition du temps ».
Xavier Clarke explique comment Pol Abraham a réussi à procéder : « Soucieux de rationaliser les méthodes de construction, l’architecte réduit les aléas de chantier par une meilleure coordination destinée à réduire le temps de travail sur le chantier et à limiter le recours à une main-d’œuvre trop qualifiée. Le procédé Croizat & Angeli permet de combiner la technique traditionnelle du mur banché avec l’emploi d’éléments préfabriqués tridimensionnels dénommés ‘’blocs-tableaux’’. Le coulage d’un béton maigre entre les deux plans de parements intérieurs et extérieurs assure la stabilité des éléments modulaires montés sans échafaudage.
Sources :