France

Bruz, la renaissance d’un village breton

Dans la nuit du 7 au 8 mai 1944, ce petit bourg breton de 800 habitants va subir un effroyable bombardement. Gênés par la brume, les Lancaster de la Royal Air Force avaient pour mission de détruire un dépôt de munitions allemand situé à quelques kilomètres de là. On relèvera 860 impacts de bombes sur un rayon de 500 mètres autour de l’église. Le bilan est terrible : 183 tués dont une cinquantaine d’enfants, 300 blessés.

Pour illustrer cette tragique méprise, nous vous proposons de lire un article sur la reconstruction de ce village martyre publié dans la revue La Construction Moderne en 1951. 

Les terribles images des Actualités Cinématographiques

L’église après le bombardement
Bruz en ruines après le bombardement

Nous vous invitons à regarder cet extrait des actualités cinématographiques de France Actualités produites et contrôlées par les autorités d’Occupation et le gouvernement de Vichy le 19 mai 1944 – Archives de l’INA : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe86002715/bruz-pres-de-rennes-apres-le-bombardement

Ille-et-Vilaine, la renaissance d’un village : Bruz

La Construction Moderne, août 1951

Commune de 2.800 habitants à 11 kilomètres au sud/sud-ouest de Rennes, Bruz se situe entre les routes nationales n° 137 et 177 qui, en quittant Rennes toutes deux, se dirigent respectivement vers Nantes et Redon. Localité bretonne, sa population se répartit entre le bourg proprement dit (800 habitants environ) et la campagne.

C’est le bourg, anéanti un soir de première communion, dont nous allons conter rapidement la renaissance. A l’aube du 8 mai 1944, en effet, de la mairie, de l’église, du bureau de postes, des écoles et de 80 immeubles, il ne restait que des décombres.

Immeubles en construction place du docteur Joly – coll. privée

L’Association syndicale mixte de remembrement et de reconstruction était créée le 2 septembre 1946 et se mettait immédiatement au travail pour procéder avant au remembrement.

Sous l’active impulsion de son président, M. Bougeard, assisté du Commissaire à la Reconstruction, M. Rialland, chef de l’arrondissement de Rennes du M.R.U., les sept premiers mois de 1947 étaient employés à la mise sur pied des projets de reconstruction des îlots n°1 et n°4.

L’îlot n°1, comprenant 10 immeubles (21 logements et 17 magasins) était mis en chantier le 1er septembre 1948, sous l’impulsion de M. Derrouch, architecte D.P.L.G., chef de groupe, assisté de MM. Prévost, Audier et Chouinard, architectes d’opérations.

La Mairie, place du Dr. Joly (bâtiment qui depuis a été détruit) – collection privée

Il ne tardait pas à être suivi par îlot n°4, comprenant, outre les bâtiments publics : mairie, bureau de poste, groupe scolaire pour garçons et filles (architecte : M. Ch. Rallé, architecte de la commune), 16 immeubles (19 logements et 8 magasins), auxquels s’ajouteraient les écoles libres de garçons et de filles. Cet ensemble, avec M. Ch. Rallé comme architecte chef de groupe et MM. Gillet, Crommen, Rouxel, architectes D.P.L.G., ainsi que MM. Prévost, Audier et Even, architectes d’opérations, est maintenant terminé, ainsi qu’en témoignent les photographies de la mairie, du bureau de poste, et du groupe scolaire que nous publions.

En haut de la rue, la Mairie – collection privée

L’îlot n°1 étant également terminé, il a été possible de faire renaître, pour le début de 1951, un ensemble comprenant les bâtiments publics (sauf l’église) et 26 immeubles. En même temps, le M.R.U. avait pu remettre en état, en travaux d’officie, une quinzaine d’immeubles, soit au total la moitié des immeubles sinistrés ; c’est cet ensemble que représente la photographie du centre du bourg reproduite ici.

Trois autres îlots, les n°2, 3 et 5 ont été, entre temps, mis en route et sont actuellement, les uns en cours d’achèvement, les autres bien avancés. Leur consistance est la suivante : 

  • L’îlot n°2, comprenant 12 immeubles (18 logements et 5 magasins) avec comme chef de groupe M. Chouinard, architecte D.P.L.G. et comme architectes d’opérations, MM. Audier, Rallé, Ragot et Rouxel.
  • L’îlot n°3, comprenant 14 immeubles (24 logements et 6 magasins) dont l’architecte chef de groupe est M. Audier, avec comme architectes d’opérations MM. Chouinard, Coirre et Glorot, Maillots D.P.L.G. et Ragot, Even, Guillemois et Besnard.
La pharmacie – La Construction Moderne
  • L’îlot n°5, enfin, groupant 12 immeubles (15 logements et 5 magasins) dont le chef de groupe M. Crommen, architecte D.P.L.G., est secondé par MM. Chouinard, Derrouch, Rouxel, architectes D.P.L.G., Rallé et Ragot, architectes.

On excusera cette sèche énumération d’îlots, de logements, de magasins et d’architectes ; elle a le mérite de montrer que l’individualisme de chaque propriétaire a été respecté, tant dans le choix de son architecte que dans la construction de son bien sinistré : en Bretagne, notamment dans la campagne, ce respect est absolument nécessaire.

La construction du bureau de poste – collection privée
La construction du groupe scolaire – collection privée
Le groupe scolaire – La Construction Moderne, 1951

Pour terminer ce tableau de la situation actuelle de Bruz, nous signalerons que la reconstruction de l’église est maintenant commencée, sur les plans de M. Chouinard, architecte D.P.L.G., auteur également des plans du presbytère, reconstruit depuis 18 mois environ, et qui est un vrai chef-d’œuvre aux yeux de plein de gens. 

En résumé, à l’achèvement des travaux en cours, le bourg de Bruz comportera 64 immeubles neufs divisés en 97 logements et 41 magasins, et les édifices publics correspondants.

Nous n’énumérerons pas les difficultés vaincues. Elles sont la monnaie courante des reconstructeurs. Elles furent cependant nombreuses, du fait de la densité des points de chute des bombes. De plus, le bourg est entièrement construit sur un banc imperméable qui a été, en de nombreux endroits, bouleversé et fissuré par la concentration du bombardement. 

Quelques détails méritent encore d’être notés :

Commencées à la fin de 1946, les opérations du remembrement sont actuellement terminées, le remembrement est clos et les sinistrés ont reçu leurs titres de propriété depuis plusieurs mois. 

L’alimentation en eau potable de la totalité de la commune a été prévu ; avec le concours du M.R.U., les ouvrages de captage, le pompage et un réservoir de 200 mètres cube, ont été construits. Le bourg est dès à présent alimenté en eau potable à profusion, chose rare pour les petites communes de la région, et des extension en campagne sont déjà réalisées.

L’exécution des travaux de voirie a été par ailleurs activement poussée et il ne manque  Bruz qu’un réseau d’égouts : le plan vient d’en être dressé et l’avant-projet, actuellement terminé, est en cours d’instruction.

Et c’est ainsi que renaît à la vie un bourg breton de moins de mille habitants, qui avait été  littéralement rasé en quelques instants.

La Construction Moderne, août 1951

JLV

SOURCES :

  • Remerciements tout particulier à Madame Marchand, habitante de Bruz dont les parents ont vécu le bombardement de mai 1944, pour ses souvenirs et ses archives.
  • ‘’ Ille-et-Vilaine, la renaissance d’un village : Bruz’’, La Construction Moderne, août 1951
  • ‘’La tragédie de la nuit du 7 au 8 mai 1944’’ et ‘’La Reconstruction’’, Breutz, Brutz, Bruz de B à Z, ouvrage édité par la Ville de Bruz en 1994