France Habitat collectif

Façade sur l’avenue © S. Levaillant, DRAC Grand Est

‘’Les Peignes’’ de Jean de Mailly à Sedan

Le centre-ville de Sedan ayant été fortement touché en mai 40, le jeune architecte Jean de Mailly, Premier Grand Prix de Rome en 1945, fut chargé de sa reconstruction. 

C’est dans ce cadre qu’il réalisa entre 1948 et 1952 le groupe d’immeubles Les ‘’Peignes’’. Un programme préfinancé par le Ministère de la Reconstruction, destiné en priorité aux sinistrés.

Une opération  particulièrement réussie labellisée ‘’Architecture Contemporaine Remarquable’’. 

Architecte de la Frontale à Toulon, Jean de Mailly est surtout connu pour avoir participé à la construction du CNIT et d’avoir réalisé plusieurs tours à la Défense, dont la Tour Nobel.

Ce groupe d’immeubles ‘’préfinancés’’ correspond à l’îlot C sur le plan de reconstruction et d’aménagement de la ville défini par Jean de Mailly en sa qualité d’architecte-en-chef de la reconstruction de Sedan. Un secteur trapézoïdal qui se situe au sud de la place Turenne, délimité à l’ouest par le canal parallèle de la Meuse, et à l’est par l’avenue du Maréchal Leclerc.  

Ces immeubles étant ‘’préfinancés’’ par le M.R.U., leur construction a pu débuter une fois les ruines dégagées et sans attendre le traitement des dossiers de dommages de guerre. Les appartements ont été par la suite attribués par une Coopérative de reconstruction aux sinistrés intéressés au prorata de leurs dommages de guerre.

Le qualificatif des ‘’Peignes’’ tient à la disposition des trois immeubles principaux de cet ensemble immobilier. Hauts de cinq étages sur rez-de-chaussée, ces trois barres sont disposées parallèlement, en épi et en recul par rapport à l’avenue du Maréchal Leclerc, de façon à ce que les séjours et la plupart des chambres soient exposés plein Sud (les pièces d’eau étant placées au Nord). 

A la pointe Nord du trapèze (à gauche sur la photo aérienne), Jean de Mailly a positionné un quatrième immeuble d’habitation de trois étages seulement. 

Ces quatre immeubles d’habitation sont reliés, sur l’avenue du Maréchal Leclerc, par un centre commercial longiligne comportant, au rez-de-chaussée des magasins placés derrière des arcades, et au premier étage les logements des commerçants. La façade bien ordonnancée met particulièrement bien en valeur l’architecture des immeubles d’habitation. 

Façades Nord, canal de la Meuse – Techniques & Travaux, 1954
 

Les trois principaux immeubles d’habitation sont distants les uns des autres d’environ vingt-cinq mètres de façon à permettre à la lumière de pénétrer les logements et aux habitants de profiter de la vue sur la Meuse et les espaces verts. Les rez-de-chaussée sur pilotis sont utilisés comme garages. Sous un toit à un seul versant en ardoise, les combles sont aérés par trois lignes parallèles d’étroites ouvertures horizontales, genre claustras.

La voie privée qui dessert les immeubles- Techniques & Travaux, 1954
 

En bordure du canal de la Meuse, les immeubles sont reliés par une rue de service privée, qui les traverse en tunnel et dessert aussi bien accès aux logements que les arrière-magasins et les garages individuels.

C’est par cette voie, notamment, que s’opérait l’enlèvement des ordures collectées dans les silos, à l’aplomb des chutes des vide-ordures. Notons en passant que le contenu de ces silos se déversait automatiquement par basculement, dans les bennes. 

Coupe transversale d’un immeuble- Techniques & Travaux, 1954
 
Détail de la façade Nord avec les garages- Techniques & Travaux, 1954
 
Une coursive – Techniques & Travaux, 1954
 

Les entrées des immeubles sont situées sur l’avenue. Pour chaque immeuble, un ascenseur, un escalier et un monte-charge permettent d’accéder aux coursives qui, placées au Nord, desservent les appartements. L’escalier de secours est placé à l’autre extrémité, côté Meuse.

La configuration des coursives est assez originale. A la différence des coursives que Jean de Mailly utilisera à Toulon dans l’immeuble de la Frontale, à Sedan, est sont fermées par des châssis métalliques coulissants ; le climat des Ardennes l’hiver n’est pas celui de la Côte d’Azur.  

Une coursive aujourd’hui © S. Levaillant, DRAC Grand Est
 

A l’instar de ce que Jean de Mailly a conçu pour la Frontale à Toulon, les coursives des Peignes à Sedan sont surbaissées ‘’de trois marches’’ par rapport au niveau des appartements. Les personnes qui y circulent ne voient donc pas l’intérieur des appartements. Comme le soulignait un journaliste à l’époque : « A condition que chacun reste chez soi et ne prenne la coursive pour une extension de son espace vital, que les enfants ne s’y attardent pas en rentrant de l’école, ne l’utilisent pas comme préau ou cour de récréation , cette caractéristique semble bien pratique ».

Soucieux d’éviter un trop grande monotonie des façades, l’architecte a décidé d’animer les façades Sud avec des bow-windows en léger débord de biais. Il a aussi multiplié les claustras, notamment au niveau des cages d’escalier aux extrémités des bâtiments. 

façades Sud coté canal – Techniques & Travaux, 1954

Les immeubles d’habitation reposent sur une ossature en béton armé. Jean de Mailly a adopté une trame de 3,33 mètres correspondant à une pièce d’habitation. A l’intérieur, les plafond sont à 2 m 80. 

Les fenêtres sont toutes équipées de châssis métalliques. Celles des coursives sont coulissantes, les autres qui sont en façade sur les jardins s’ouvrent à la française.

Plan des appartements (étages 2, 3, 4 et 5)  – Techniques & Travaux, 1954

JL V

SOURCES : 

  • ‘’Groupe d’immeubles préfinancés pour sinistrés à Sedan’’, Techniques & Travaux, n°7/8, 1954.
  • ‘’Immeubles Les Peignes’’, Base Mérimée, notice ACR0000460, auteur de la notice Clémence Préault, photographies de Simeon Levaillant