« Mangez du poisson, conseillent les diététiciens, vous apporterez à la table familiale des éléments nutritifs d’égale valeur. Pensez aussi au plat de lentilles… ».
Mais la maîtresse de maison sait bien que rien ne remplace l’effet ‘’psychologique’’ du rôti et du bifteck.
Or, la viande est chère et sa consommation quotidienne menace sérieusement l’équilibre du budget.
C’est donc avec attention et sympathie que les femmes accueillent toutes les mesures prises pour en favoriser la baisse.
En janvier 1953, la revue Arts Ménagers consacre ainsi un article à ce tout nouveau procédé de commercialisation : la viande sous Cellophane.
Les ménagères françaises ont donc récemment, suivi avec intérêt la mise en pratique de ce nouveau mode de distribution, ‘’la viande préemballée sous Cellophane’’, et elles seront contentes d’apprendre que ce procédé tend à se développer. Pour celles qui ignorent encore ce qu’est exactement cette viande dite ‘’conditionnée’’, nous allons brièvement en raconter l’histoire.
La viande conditionnée n’est pas de la viande réfrigérée. C’est de la viande fraiche de toute première qualité, préparée sous le contrôle d’un vétérinaire et rigoureusement surveillée depuis son abattage jusqu’au moment où elle parvient entre les mains du client. Quel est le but poursuivi ? Par le traitement ‘’industriel’’ de la viande sur les lieux mêmes de la production, éviter les intermédiaires, les manipulations successives, l’exposition à l’air et la poussière, le transport de déchets inutiles, assurer un calibrage parfait, une hygiène totale et vendre à un prix nettement inférieur à celui de la taxe.
Des abattoirs de Villefranche-d’Allier à notre main. Nous sommes là-bas, en plein centre producteur du bœufs charolais.
Les abattoirs parfaitement équipés sont pourvus de chambres froides. La bête accompagné, depuis son ‘’estoquage’’, par l’œil vigilant du vétérinaire de l’État est soumise, sur place, aux opérations de découpage standardisé. Les morceaux ainsi calibrés sont placés sous Cellophane, avec une étiquette qui indique leur nature et leur poids.
Les paquets sont ensuite placés dans de grandes caisses métalliques, et ces caisses dans des camions réfrigérés plombé au départ. Un système de thermomètre permet aux chauffeurs de vérifier constamment la température du camion pendant le transport, température qui doit être entre 0 et 2 degrés.
Les paquets ne sortiront du camion que pour entrer, au centre distributeur, dans de nouvelles chambres froides, puis dans les comptoirs de vente également réfrigérés.
Étiquettes bleues, rouges, jaunes, vertes. C’est ainsi que vous reconnaîtrez le bœuf, le porc, le veau et le mouton. Un tableau d’affichage indique le prix de vente et le prix de la taxe. Une balance permet de vérifier le poids des paquets. Les rôtis pèsent 500 gr. Et 1 kg ; les gigots 1 kg 500 et 2 kg ; l’entrecôte 300 gr. Côtelettes, biftecks et escalopes sont jumelées et pèsent 200 gr le paquet. Les côtes de veau, 300 gr le paquet de deux unités.
Les centres de distribution. Au printemps dernier, deux grands magasins parisiens ‘’à prix uniques’’ inauguraient ce système de vente (avenue des Ternes et rue de Provence). En quelques mois, ils avaient débité près de trois cent mille petits paquets. D’autres succursales ont été équipées en chambres et comptoirs réfrigérés, et les quartiers de Clichy, Levallois, Batignolles et Italie ont, ou auront bientôt, leur centre. Dans toute la France, le procédé se généralise : des comptoirs de vente s’installe à Saint-Etienne, Strasbourg, Nancy, Hayange, Nice, Toulon, etc. Ceux de Lyon, Dijon et Bordeaux sont déjà ouverts. De nombreuses maisons d’alimentation, s’équipent également… et déjà, un boucher e Grenoble, qui a compris l’intérêt de cette modernisation de sa profession, transforme son magasin pour exploiter, lui aussi, le procédé de vente sous Cellophane.
Conclusion : Les ménagères savent maintenant qu’elles peuvent acheter en toute confiance la viande conditionnée, et réaliser ainsi de sérieuses économies. Ais ce privilège n’appartient qu’à celles qui habitent à proximité d’un centre de distribution. Les possibilités des abattoirs de Villefranche ne sont pas illimitée, et il faut attendre que d’autres abattoirs aient achevé leur équipement pour satisfaire aux nombreuses demandes des nouveaux distributeurs. Pendant ce temps, Mesdames, votre boucher habituel sent jouer la concurrence, et, s’il perçoit que vous pouvez, dans un avenir prochain, lui être infidèles, peut-être fera-t-il en sorte que vous n’ayez plus rien à y gagner.
Marie Méjanque
Arts Ménagers, janvier 1953