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Années 50 : La découverte du Placoplatre 

S’il est une innovation dans le domaine de la construction qui véritablement conduit à faire disparaître un métier, c’est bien le Placoplâtre. Alors qu’il faut au moins deux à trois années d’apprentissage pour bien plâtrer un mur, une plaque de ‘’B.A. 13’’ peut être posée un ouvrier non spécialisé.

Le Placoplatre n’arrive dans notre pays qu’après la Seconde guerre mondiale avec la Reconstruction. Preuve de son succès, il rejoint très vite le club très fermé des antonomases,  ces marques comme Frigidaire, Bic, Digicode ou Caddie qui sont devenues de noms communs.

L’usine Placoplâtre de Vaujours, située à 25 kilomètres au nord-est de Paris, a été inaugurée en 1949 par Eugène Claudius-Petit. Elle est aujourd’hui l’un des plus importants sites de production au monde pour ce type de produits.

Le plâtre est un matériau de construction préparé à partir de gypse broyé et concassé, qui est cuit dans un four avant d’être réduit en poudre. Si l’on a retrouvé des usages de plâtre dans l’Antiquité et au Moyen Age, c’est au XVIIIème siècle que les premiers chimistes commencent à comprendre les mécanismes de la chimie des matériaux qui conduisent à sa fabrication. Dans le courant du XIXème siècle, la production industrielle de plâtre va se développer rapidement et son usage dans le bâtiment se généraliser grâce notamment à toute une série d’amélioration de son procédé de fabrication et à la mise sur le marché de nouveaux produits.    

Le Placoplâtre quant à lui a été mis au point à New-York en 1888 par Augustine Sackett. Sa découverte va connaître un grand succès aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne après la Première guerre mondiale.

En France, Vincent Farrion note que « la crise économique des années 1930 et la nouvelle prééminence du ciment provoquent en France une chute de la production de plâtre de plus de 70% ». Le Placoplâtre n’arrivera dans notre pays qu’après la Seconde guerre mondiale avec la Reconstruction. 

Un sandwich de plâtre entre 2 feuilles de carton

Voici comment le décrit la revue Architecture Française en 1947 :  « Le Placoplâtre, connu sous le nom de Plasterboard aux Etats-Unis et en Angleterre, est en quelque sorte un sandwich de plâtre entre deux feuilles de carton Son épaisseur varie de 10 à 12 mm, sa largeur de 40 cm à 1 m 20 et sa longueur pourra atteindre 4 mètres. Il pèse environ 8 kg. 500 au mètre carré pour une épaisseur de 10 mm. (…) 

Ses propriétés sont d’abord celle du plâtre : excellent isolant thermique et acoustique, résistant au feu, physiquement et chimiquement stable, imputrescible, inattaquable par les insectes et les parasites (…). 

Du point de vue de son emploi, il a comme avantage d’amener une nette économie de matière ainsi que de main d’œuvre. Le Placoplâtre étant en fait un enduit préfabriqué, il peut être posé par un ouvrier non spécialisé. Son mode de pose par clouage dans ses différents emplois : plafonds, cloisons, revêtement, permet également une grande économie de temps.

Actuellement, la construction près de Paris de la première usine française de Placoplâtre, est activement poussée et son démarrage est prévu pour le courant de 1948. On envisage une production de départ annuelle de 8 millions de mètres carrés ».

Sous l’impulsion du M.R.U.

Pour répondre à l’ampleur et à l’urgence des demandes de logements, le Ministère de l’Urbanisme et de la Reconstruction tient à favoriser le recours à la préfabrication.

Découvert lors d’une mission d’études aux Etats-Unis, le Placoplâtre a tout pour séduire la délégation française. Malheureusement, la société américaine US Gypsum ne veut pas investir à l’étranger.

Le M.R.U. va donc inciter trois grandes entreprises de l’industrie plâtrière, les sociétés Lambert Frères & Compagnie, Poliet & Chausson et les Plâtreries Modernes de Grozon à constituer en 1946 la société Placoplatre. 

La toute nouvelle société Placoplatre va acquérir le brevet d’exploitation et construira, avec l’aide de la compagnie américaine US Gypsum, l’usine de Vaujours à l’Est de Paris à proximité d’importants gisements de gypse. 

La construction de l’usine de Vaujours

La revue Architecture Française lui a consacré un article en 1949 à l’occasion de son inauguration :

 “L’usine de Vaujours est conçue pour la fabrication du Placoplâtre : elle comporte essentiellement trois éléments : les réserves de plâtre, la chaine de fabrication, le hall de stockage.

Les réserves sont constituées par deux grands silos de 300 m3 jumelés, avec postes d’arrivée du plâtre et galerie haute de distribution. Ces silos sont alimentés, soit par la route, soit par la voie ferrée, soit par un transporteur souterrain à air comprimé.

Sur 160 mètres s’étend la longue bande abritant la chaine de fabrication. Élément complexe occupant le rez-de-chaussée et le premier étage sur toute sa longueur, et deux étages partiels côté silos. Au tiers latéral se greffe au rez-de-chaussée la chaufferie et ses annexes. 

Le hall de stockage borde la chaine de fabrication sur 100 mètres de longueur et 12 mètres de largeur. Des magasins et ateliers complètent cet ensemble à l’arrière des silos.

La disposition des éléments du plan est la traduction fidèle du cycle de fabrication, impérativement dicté par le matériel automatique de production ».

L’usine de Vaujours
La fabrication du Placoplatre

Il sera désormais fabriqué en France

En juillet 1948, la revue Techniques & Architecture écrit : « Le placoplâtre est désormais fabriqué en France. La fabrication des plaques de placoplâtre a commencé au mois de novembre à l’usine de Vaujours, installée et équipée selon les principes rigoureux des usines similaires américaines et anglaises.

Les plaques de placoplâtre, plaques à enduire et plaques à peindre, se présentent absolument comme celles du plasterboard, qui a fait ses preuves depuis plus de 50 ans en Amérique et 30 ans en Angleterre. Les prix du placoplâtre sont maintenant établis. Ce matériau est en France, pour plafonds ou revêtement, le plus facile à poser, le plus sûr et le plus économique.

Il se présente sous les formes de plaque à enduire et de plaque à peindre de 0,40 m. et 1 m. 20 de large, et pouvant atteindre 3 m. 60 de long. 

Les livraisons du placoplâtre ont commencé mais les demandes sont nombreuses. Peu à peu, toutes les demandes seront satisfaites, mais il est recommandé de prendre contact dès maintenant avec les services commerciaux de Placoplâtre ».       

Un vrai succès, seulement à partir de 1954-55

En réalité, les commandes ne sont pas aussi importantes : « En 1949, seulement 500 000 m² de plaques de plâtre sortent des chaines de fabrication de Vaujours … 15 fois moins que les prévisions les plus pessimistes ». 

L’usage du placoplâtre révolutionne les pratiques des maçons et des plâtriers. Or ces professionnels sont le plus souvent des artisans indépendants. De plus, il faut être formés pour bien mettre en œuvre ces nouveaux matériaux. 

L’entrée au capital de la société britannique British Plasterboard (BPB) Limited, qui avait elle-même introduit le Plasterboard en Angleterre en 1917, va permettre de faire décoller les ventes. En 1958, la production dépasse les 5 millions de m²

Les produits vont se diversifier et la société va ouvrir de nouvelles usines pour répondre à la demande (Chambéry en 1966 et Cognac en 1973).

Aujourd’hui filiale du groupe Saint-Gobain, l’usine de Vaujours est le premier site de transformation du gypse dans le monde.

JL V

SOURCES :

  • ‘’Placoplâtre’’, Architecture Française, 1947  
  • ‘’Le placoplâtre est désormais fabriqué en France’’, Techniques & Architecture, juillet 1948
  • ‘’Placoplâtre et autres histoires industrielles : Plâtres Lambert, Poliet & Chausson, SAMC, Plâtrières de Grozon, Isobox-Henry’’, par Vincent FARION, Éditions Anabole, 2019
  • ‘’Placoplatre, une entreprise pionnière’’, www.placo.fr
  • ‘’Sackett Board Plasterboard History’’, InpectaPedia, free Encyclopedia of Building & Environmental, Construction, Diagnosis, Maintenance & Repair