1955 : Fernand Pouillon, architecte méditerranéen génial et flamboyant décide monter à Paris. Il va y réaliser en cinq années à Montrouge, Pantin, Boulogne-Billancourt et à Meudon quatre opérations majeures qui marqueront l’architecture de cette époque.
Victime tout à la fois de son hubris et de ses concurrents, il est mis en prison, d’où il s’échappera avant de rebondir à l’étranger, puis d’être gracié par le général de Gaulle. Quel destin !
Fernand Pouillon : un architecte hors-normes et visionnaire, écrivain reconnu, qui a su construire des immeubles de logements bon marché et de grande qualité.
En ce milieu des années 50, malgré la création du MRU, les efforts de la Reconstruction, l’appel de l’abbé Pierre durant l’hiver 54, la crise du logement est toujours aussi importante. Du fait notamment des effets conjugués de la croissance démographique et de l’exode rural, les besoins de nouveaux logements demeurent toujours très supérieurs à ce qui a pu être construit, notamment en région parisienne.
C’est dans ce contexte que l’architecte Fernand Pouillon va créer le Comptoir National du Logement (CNL) cumulant de fait les rôles d’architecte et de promoteur immobilier en rupture avec les règles déontologiques de la profession. Pour ses opérations, il recherche des terrains disponibles, pas trop chers, en proche banlieue. Les premières opérations du CNL vont ainsi être situées à Pantin et à Montrouge.
Dans cette commune de la banlieue rouge qui jouxte Paris, Pouillon va construire deux résidence : la moins connue, la résidence Jules Ferry donne sur la nationale 20, la plus connue et la plus importante, la résidence Buffalo est à trois cents mètres en retrait, sur l’emplacement de l’ancien stade vélodrome Buffalo.
Le terrain sur lequel Pouillon va construire la résidence Buffalo est une parcelle en bout d’îlot entourée de trois rues : la rue Carvès (qui débouche sur la N20), et deux qui lui sont perpendiculaires : l’avenue du fort où se situe l’entrée principale de la résidence, et la rue Victor Basch où se trouve également le groupe scolaire Buffalo.
L’ensemble immobilier conçu par Pouillon se compose d’une tour de sept étages sur pilotis située au centre de la résidence, et cinq autres bâtiments de quatre à sept étages, articulés les uns aux autres de façon à former ‘’des pièces’’ pour reprendre l’expression de l’architecte Jacques Lucan.
Comme la plupart des projets de Fernand Pouillon, la résidence Buffalo a été construite dans des délais réduits grâce à sa parfaite organisation des travaux, entre 1955 et 1957. Elle comporte 466 logements. Les bâtiments sont basés sur une ossature en béton armé.
Alors les architectes de la Reconstruction, les responsables politiques et le MRU cherchent à implanter les bâtiments de façon à profiter au mieux de la course du soleil et en rupture avec les alignements sur rue, Fernand Pouillon part d’un grand espace central, agora commune à tous les habitants, autour duquel il organise ses bâtiments de façon orthogonale, créant ainsi un îlot fermé qui n’a que peu d’interactions avec le reste du quartier. Ceci est d’autant plus perceptible qu’aujourd’hui, que la résidence est sécurisée.
Mais dès lors que l’on peut y entrer et s’y promener, comme à Pantin, on perçoit tout de suite l’atmosphère caractéristique de l’architecture de Fernand Pouillon. Une ambiance particulière, qui tient tout à la fois à la qualité de l’architecture, à la subtilité de ses déclinaisons et à la chaleur de cette pierre du Midi.
Comme à Pantin, on retrouve sur certains bâtiments des pilastres en marbre rose surmontée d’une corniche et d’un étage en attique. Sur la façade d’un immeuble, on trouve des pilastres en briques rouges, coquetterie de l’architecte ou souci d’économie du promoteur, difficile à dire. Si la pierre domine sur les façades, sur les immeubles les plus hauts, un balcon filant au cinquième étage assurant la transition avec l’étage ou les trois étages supérieurs dont les façades sont en béton.
L’espace ouvert entre les pilotis de la tour est radicalement différent, avec ses gros galets blancs, sans doute venus du Havre ou d’Étretat. Au-dessus, les façades sont largement vitrées et de larges panneaux verticaux en pierre rose.
La verdure est présente aussi, dans des formes variées. Comme à Pantin, on y retrouve un bassin circulaire. Point de tags sur les murs et les poubelles au milieu des allées, ou d’antennes satellites accrochées aux balcons ; on sent que les habitants sont soucieux de préserver ces lieux. Il n’y a pas de voitures dans la résidence, car les garages sont côtés rues. Les enfants jouent de bon cœur.
« Je voulais une architecture sobre, traditionnelle sans excès, confortable dans les détails, sinon luxueuse au sens parisien du mot : des immeubles inspirés des quartiers du XVII ème et XVIII ème de la cité ou de ces banales et charmantes maisons du IVème ou du VIème arrondissement, qui ne valent que par leurs proportions et la pierre »
Fernand Pouillon
La Résidence Jules Ferry était communément dénommée ” la Vache Noire ” par les collaborateurs de Fernand Pouillon en raison du nom du grand carrefour situé un peu plus haut sur la nationale 20. Cette réidence a été réalisée en même temps que la Résidence du Stade Buffalo située en retrait à environ 300 mètres.
La façade principale se développe un peu sur la place Jules Ferry et surtout sur l’avenue Aristide Briand (ex-nationale 20). Cependant la façade latérale de l’immeuble sur la rue Carvès est traitée comme une façade principale, apparaissant alors comme une tour.
Selon le site fernandpouillon.com, cet immeuble mitoyen, moins haut, sur la place Jules Ferry, a été récemment attribué à Fernand Pouillon. Peut-être à cause d’une gouache reproduite dans les actes du colloque ” Fernand Pouillon ” sous la direction de Jean-Lucien Bonillo (ed. Imbernon 2001, p. 245) où l’on voit cet immeuble, dessiné à l’identique et dans la continuité de celui effectivement construit par Pouillon.
Mais en réalité, selon les auteurs de ce site, on ne pourrait lui attribuer la paternité de cet immeuble et les raisons sont les suivantes : Les meneaux centraux des tableaux bas de menuiseries sont une erreur que Fernand Pouillon n’aurait jamais commise, la façade arrière est contraire à ses exigences et à ses habitudes, les étages des deux immeubles ne règnent pas en façade comme il l’avait prévu, les photographies d’archives montrent que cet immeuble n’était pas même en construction.
JLV
Sources :