A la lecture de cet article publié en 1951 dans la revue Architecture Française on comprend mieux le cheminement qui ont conduit les architectes à concevoir ainsi l’un des premiers groupe d’immeubles construit sur les hauteurs de Boulogne-sur-Mer
Dès qu’il fut décidé de construire ces groupes, l’architecte en chef, M. Ch. Abella, tenant compte des directives du M.R.U. se préoccupa de rechercher mes matériaux locaux et traditionnels de la région boulonnaise.
Il apparut que le ciment, fabriqué dans les environs de Boulogne-sur-Mer était le matériaux depuis longtemps le plus employé dans la région. La construction en béton armé s’imposait donc.
Après étude de nombreux systèmes de préfabrication proposés par les constructeurs, les architectes fixèrent leur choix sur le procédé Mopin qui répondait le mieux aux données du problèmes :
Une usine de préfabrication des éléments de béton fut sommairement aménagée dans une tuilerie abandonnée à Hesdigneul et les premiers éléments commencèrent à sortir en automne 1947.
Des enquêtes analogues poursuivies sur les techniques nouvelles des cloisons intérieurs et des plafonds notamment, permirent de définir dans les moindres détails les moyens de l’aménagement intérieur.
Le groupe des ‘’Quatre Moulins’’ est édifié sur les limites du plateau dominant Boulogne-sur-Mer au nord, en bordure de la route de Calais, à une altitude moyenne de 80 mètres au-dessus du niveau de la mer.
L’orientation, la configuration du terrain, la composition du sol, la protection contre les vents régnants, la vue sur la ville et sur la mer ont déterminé l’implantation des bâtiments.
Chaque pièce de séjour ou de travail reçoit le soleil plusieurs par jour. Chaque appartement a au moins deux orientations différentes, les grands appartements en ont trois.
Le minimum de prospect est de vingt mètres, il est en moyenne bien supérieur, de nombreuses pièces ayant vue sur la mer.
Le groupe comprend 120 logements de 3, 4 et 5 pièces, soit au total 120 salles communes et 376 chambres à coucher. Chaque logement dispose d’une cave, chaque bâtiment d’un garage commun pour bicyclettes ou voitures d’enfants.
Dans le projet initial étaient prévus des garages pour autos et la possibilité d’un centre commercial à proximité. Ces éléments qui n’ont pas être exécutés sur les crédits affectés à l’opération restent réalisables, les terrains étant toujours disponibles.
Une voie carrossable réservée à la circulation des habitants du groupe dessert les chemins d’accès aux escaliers.
Au centre de l’ensemble sera aménagé un jardin réservé aux enfants. L’emplacement affecté à leurs jeux a été choisi de telle sorte que le plus grand nombre de fenêtres ait vue sur ce jardin, permettant une surveillance facile par les parents, de leur appartement même.
Le plan des appartement a été arrêté après une enquête approfondie des habitudes locales : tradition, modes de vie, nourriture. Il a été tenu compte d’autre part des obligations imposées par l’évolution des grandes concentrations modernes, dont Boulogne-sur-Mer est un exemple typique : réseaux de distribution d’eau, de gaz, d’électricité, évacuation des eaux usées et des ordures ménagères. Ces appartements sont donc la transposition moderne des habitations traditionnelles du Boulonnais.
Chaque appartement se divise en deux parties : la première (la vie en commun) identique dans tous les appartements comporte l’entrée, la salle de séjour, la salle de repas, la cuisine, la ‘’relaverie’’, la salle d’eau et les w.c. La deuxième (la vie privée) constituée par le groupe des chambres à coucher est d’importance variable suivant les appartements, allant de deux chambres à trois ou à quatre.
Dans les appartements comportant plus de deux chambres, une chambre donne directement dans l’entrée, étant ainsi indépendante du reste de l’appartement. Elle peut ainsi être réservée aux ascendants, aux amis, être transformée à usage de bureau ou de petite pièce de réception.
La salle de séjour, centre de vie familiale, s’ouvre par une large porte-fenêtre à quatre vantaux sur un balcon prolongeant la salle. Ce balcon prévu pour recevoir le berceau du nouveau-né, pendant quelques heures de la journée, offre aux enfants une place de jeux ensoleillée sous la surveillances des parents.
La salle de séjour est assez vaste pour être aménagée suivants les besoins des occupants. Certains y prendront leur repas, d’autres la considèreront comme un salon de repos, de conversation ou de travail, y disposeront un divan, un canapé, une bibliothèque ou un piano.
La cheminée traditionnelle dont la fonction depuis longtemps à Boulogne-sur-Mer n’est plus que de servir de fond décoratif au poêle joue ici un rôle utile : constituer un encadrement de protection au poêle qui peut être disposé en cas d’incident au chauffage central. Une bordure de marbre du pays (carrière de Marquise) limite la plaque foyère en carreaux de faïence blancs.
Une large baie libre s’ouvre sur la salle de repas. Les architectes ne doutent pas que certains occupants seront surpris de cette interprétation des deux locaux souvent séparés dans les anciens plans par des ports à petits carreaux ou des portes à 3 ou 4 vantaux. Les architectes pensent que l’usage démontrera aux habitants les avantages d’aisance et de simplicité de ce plan. Dans le cas contraire, l’adjonction d’une clôture : paravent, porte coulissante ou autre, est facile à réaliser par l’occupant.
Le secteur où se prépare la nourriture de la famille a été prévu assez vaste afin que les repas puissent y être consommés dans que le travail de la préparation des aliments soit gêné. A proximité de la table à manger se trouve une table de travail, la cuisinière et les armoires.
Un panneau entier est occupé par les divers placards nécessaires au rangement du matériel de cuisine, de la vaisselle, des provisions. L’un d’eux est prévu pour recevoir un petit frigidaire.
D’autres placards et un garde-manger se trouvent sous la table de travail, cette table en carreaux de faïence blancs, éclairée dans toute sa longueur par des baies vitrées basculantes se prolonge d’un côté jusqu’au fourneau (à gaz ou à charbon), de l’autre jusqu’à un évier égouttoir encastré dans cette table. L’eau chaude et l’eau froide sont installées sur l’évier.
Les travaux sales (gros épluchages) ou dégageant de fortes odeur (friture) peuvent être effectués suivant la tradition boulonnaise dans l’arrière-cuisine ou ‘’relaverie’’, petit local qui prolonge la table de travail. Dans cette pièce largement éclairée et dotée d’une ventilation supplémentaire, un branchement de gaz permet l’installation d’un réchaud. Dans la ‘’relaverie’’ se trouve un bac à laver à deux cuves ; un robinet mélangeur orientable distribue l’eau chaude et l’eau froide dans chaque bac. C’est là aussi que se trouve le chauffe-eau à gaz destiné à la production d’eau de l’appartement.
La corvée de descente des ordures ménagères est supprimée par le vide-ordures à fermeture automatique qui se trouve dans la relaverie.
La salle d’eau, équipé avec une baignoire et un bidet, eau chaude et froide, se situe derrière l’arrière-cuisine. Elle est prévue assez vaste pour permettre l’occupation simultanée du local par plusieurs membres de la famille.
Les ventilation de chaque salle d’eau et de chaque w.c. est assurée par un système de gaine qui lui est strictement réservée. Une gaine n’est jamais commune à plusieurs locaux. A l’orifice supérieur, un aspirateur statique assure le tirage. A l’orifice inférieur (plafond des caves) un réchauffeur branché sur le chauffage central assurera l’hiver l’introduction d’air tiédi.
Le bloc des chambres est en liaison directe avec la salle d’eau et les w.c. Ainsi se trouve réalisée une circulation aisée entre ces divers locaux nettement séparés des services communs.
Chaque chambre dispose de volumes de rangement important : armoire encastrée, placard ou penderie.
La disposition des portes et des fenêtres a été étudiée en vue de laisser plusieurs possibilités pour le placement des lits et assurer des aires de circulation et de séjour maxima.
Les baies extérieures traitées en portes-fenêtres assurent un ensoleillement total du sol et ménagent la vue intéressante qui dans le cas présent est localisée au-dessous de l’horizon.
La hauteur sous-plafond des appartements est de 2m.52.
Un escalier dessert un rez-de-chaussée et trois étages à raison de deux appartements par palier, soit huit appartements par escalier. La hauteur maximum à monter est de 9,80 mètres pour le dernier étage. L’impression d’immeuble collectif est réduite au minimum et l’effort à fournir pour les personne portant une charge ne dépasse pas les limites couramment admises.
Les escaliers sont à volées droites, d’un pas aisé et coupés par un palier de repos.
Groupe d’immeubles des Quatre Moulins à Boulogne-sur-mer : P Sonrel, Architecte, Chef de Groupe ; R . Vassas, A. Sorin et J. Duthilleul, Architectes d’opérations
Article publié dans la revue Architecture Française en 1951