L’architecte Émile Aillaud est intervenu à plusieurs reprises pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine. Il réalisa notamment, entre 1945 et 1947 la cité ouvrière de Bellevue à Creutzwald, puis de 1947 à 1949 à Saint-Avold, la cité ouvrière Émile Huchet et des maisons d’ingénieurs de la cité Mélusine. Toujours pour les Houillères, il conçu une maison à ossature métallique (‘’la Lorraine’’) dont il testa un prototype à Cocheren à côté de Merlebach.
En guise d’introduction, les explications de Jérôme Beining concernant l’urbanisation de Saint-Avold, sont particulièrement éclairantes : « Dès le début de l’exploitation des mines de charbon, se posa avec acuité le problème du logement des ouvriers, car ces ouvriers sont des paysans et il faut les loger près des puits (nécessité devenue obligation légale en 1946 avec l’adoption du Statut du mineur n.d.l.r.). La région offrait peu de possibilité, et en outre, l’accroissement rapide des effectifs miniers nécessita une rapide prise en compte de la question.
A côté de la structure villageoise traditionnelle, et sans l’évincer, s’est implanté d’abord, avec l’avènement de l’industrie charbonnière, un premier type de cité minières, comme à Petite-Rosselle, ou la cité Hochwald, où l’apparition de jardin tient compte de l’origine rurale des mineurs. Au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale, un type d’habitat « semi-collectif » est parfois associé à la cité jardin, comme la cité Émile Huchet ou Arcadia.
Dès 1953, apparaissent les grands immeubles collectifs (Farébersviller ou Behren) qui constituent une véritable révolution dans le mode de l’habitat, mais aussi dans le mode de vie. Du même coup, on verra les jardins d’ouvriers se regrouper à la périphérie.
La cité ouvrière représente l’unité de base du regroupement de la population minière. La construction ininterrompue des cités depuis 1856 conditionna la structure du tissu résidentiel et colora différemment le paysage urbain du Bassin houiller. Enfin, la volonté de séparation des salariés marqua l’ensemble des agglomérations. Il existe des cités ouvrières, comme la cité Jeanne d’Arc, des cités plus diverses, comme la cité Emile Huchet, des cités d’employés, comme le parc du Tyrol, ainsi que des cités ou maisons d’ingénieurs et de directeurs, comme à Petite-Rosselle, avec des différences importantes quant à la superficie occupée et à la qualité du bâtiment et de l’environnement ».
Émile Aillaud, est chargé de construire une cité ouvrière sur un terrain de 70 hectares dans la partie Sud de la forêt de Saint-Avold. Il est assisté par l’architecte Henri-Gabriel Hanotaux qui repris la responsabilité du projet après le départ d’Émile Aillaud (nous avons encore une incertitude sur la date n.d.l.r).
Voici comment Émile Aillaud présente le projet dans le numéro 153/154 de la revue Architecture Française en 1954.
« Construite par les Houillères du Bassin de Lorraine, dans la forêt de St-Avold, cette cité comporte 450 maisons individuelles ou jumelées.
Un écran de forêt de 70 mètres a été maintenu intact de part et d’autre de la cité pour l’isoler des grandes voies d’accès et le rendre donc invisible de la grande route.
A l’intérieur du périmètre de la cité, des réserves de forêt comportant des terrains de jeux ont été aménagées ; ces écrans divisent la cité en quartiers isolés pour éviter la monotonie d’un ensemble trop important. Au centre se trouve une zone de verdure plus vaste où sont regroupés les éléments communs : magasins, écoles, église, centre administratifs.
L’urbanisme de la cité tient compte des objectifs suivants : Économie de voirie, réduction de la largeur et de la longueur des routes. Adaptation au site existant, les routes et allées de desserte ont un tracé proche de celui des chemins forestiers. Le déboisement et de dessouchage doivent pouvoir être simples et mécaniques.
Les propriétés – de 600 mètres carrés chacune environ – sont disposées en bandes dont le tracé s’infléchit en suivant celui des courbes de niveau. Ces bandes de propriété, dont le déboisement est facile, sont séparées entre elles par des bandes non déboisées, d’une largeur moyenne d’environ 15 mètres ; les allées de desserte sont dessinées de manière sinueuse parmi les arbres qu’elles respectent.
Deux routes larges desservent dans leur circuit la totalité de la cité et reçoivent le trafic réduit des allées de desserte ; celles-ci, d’une largeur de 2,50 mètres, sont dallées et permettent le passage d’une voiture ; des élargissement réguliers permettent les croisements ; ces allées ne desservent qu’une seule rangée de maisons et leur donnent accès par leur face Nord.
Chaque maison est elle-même implantée dans la partie Nord de sa parcelle, du côté du chemin de desserte, dont elle est séparée par un petit enclos servant de cour de service. La quasi-totalité du jardin s’étend donc devant la maison, sur sa face Sud.
Les habitations sont de 3 types : 3 pièces jumelées à rez-de-chaussée, 4 pièces isolées à rez-de-chaussée, 5 pièces isolées à étage.
Chaque maison comporte en outre un garage à bicyclette, une cave et un enclos-cour de service.
L’étude des plans a été guidée par les objectifs suivants : 1. Grouper les pièces d’eau sur la façade Nord ; 2. Situer l’accès au Nord pour laisser au jardin son indépendance au Sud ; 3. Créer un enclos de service séparant la maison de l’allée de desserte ; 4. Orienter au Sud les pièces de séjour ; 5. Donner à chaque maison une terrasse abritée de vents froids et sur laquelle s’ouvre la salle de séjour.
Les murs sont en parpaings de pouzzolane avec vides d’air. La charpente est en bois, la couverture en tuiles mécaniques, les parquets en bois, le carrelage en grès cérame. Les enduits extérieurs sont de couleurs différentes ».
Accès par une allée au Nord. Jardin au Sud avec terrasse sur laquelle ouvre le séjour. Cour de service au Nord sur la quelle ouvre la cuisine.
La maison comprend un étage et un rez-de-chaussée sur un sous-sol partiel. Accès par l’allée au Nord. Près de l’entrée, le garage à bicyclettes et la cour de service sur laquelle donne la cuisine. Le fond de la cour es occupée par une remise et un poulailler. Le séjour s’ouvre sur une terrasse. Toutes les chambres s’ouvrent au Sud. A l’étage, deux chambres et une salle d’eau.
le séjour et les chambres sont orientés au Sud et à l’Est, les pièces de service au Nord. La pièce commune s’ouvre sur une terrasse protégée.
« Ce sont des logements sociaux, mais Émile Aillaud les a totalement intégrés au paysage. Les maisons n’ont, au maximum, que deux étages pour ne pas dépasser la hauteur des arbres. C’est un lotissement, mais aucune habitation ne ressemble à une autre, si ce n’est la brique rouge, point commun de chaque réalisation » explique Martine Ludmann, lorsqu’elle fait visiter aujourd’hui la cité Mélusine. « Chaque villa possède également un grand terrain et l’architecte s’est adapté à chaque fois à la déclivité des lieux. Cela donne un quartier très vert », constate-elle. « Les maisons en elle-même correspondent à la vision moderne d’Émile Aillaud, soit allier des exigences fonctionnelles à la recherche de solutions novatrices et humaines ».
Voici comment la revue Architecture Française présentait cette réalisation de l’architecte Emile Aillaud en 1953 :
« Ces maisons sont construites pour des ingénieurs d’une grande administration industrielle de l’Est de la France. Elles font, à ce titre, partie d’un ensemble avant d’être des villas particulières. Cette intégration, comme leur accord avec la simplicité des bâtiments administratifs voisins, justifie la sobriété de leur style.
Ces maisons sont de trois types : A, B, C. Dans les types A et B, certains éléments du plan –(réception, services) sont semblables. Le plan s’articule autour d’un vestibule central en trois éléments : séjour-réception, habitation, services.
La maison de type C a été étudiée pour utiliser au mieux un terrain à très forte pente. D’où la distribution en deux niveaux, tous les deux cependant de plain-pied soit avec le jardin supérieur, soit avec le jardin inférieur. Les chambres et les pièces de séjour sont orientées au Sud-Ouest et les pièces de services au Nord. Le salon montant de front sur les deux niveaux s’ouvre latéralement sur une terrasse abritée prises partiellement sous l’aile des chambres. La différence de niveau permet deux accès : l’entrée principale au niveau inférieur donnant sur une petite cour et l’entée secondaire au niveau du jardin supérieur.
Construction
Le soubassement (des maisons) est en béton armé brut de décoffrage. Les murs sont en briques de schiste, fabrication commune de la région. Sur de grandes surfaces unies, avec des joints creux, ces briques frustres et irrégulières accrochent la lumière et l’exécution soignée enrichit une matière relativement simple.
Couverture en béton armé en terrasse à forte pente (4%) sans acrotère ; les eaux sont recueillies sur la face Nord.
Pour les divers types d’habitations, l’architecte a plus recherché l’économie dans la simplicité de la construction que dans une réduction des surfaces. De la pauvreté même des matériaux et de l’emploi de formes simples il n’en a pas moins obtenu un résultat expressif.
Texte, plans et photos : Architecture Française, n° 133/134, 1953
SOURCES :
Un grand remerciement à l’Office du tourisme de Saint-Avold et aux archivistes du Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle qui conserve notamment les archives des Houillères.