France

L’îlot M avec au fond la cathédrale – photo Jacques Germain – LCM avril 52

La place de la Résistance
à Tours

Créée ex-nihilo, la place de la Résistance se présente comme l’une des premières réalisations des architectes de la Reconstruction à Tours. Son plan carré symétrique et l’ordonnance architecturale de ses immeubles rappellent les places royales du XVIIème siècle sur le modèle de la place des Vosges à Paris. 

Cet article, publié en avril 1954 dans la revue La Construction Moderne, nous permet de découvrir l’inventivité dont ses architectes ont su faire preuve pour y intégrer au mieux tous les aspects de l’hygiène et du confort moderne.

L’article comprend une introduction par la Rédaction de la revue, puis l’article de l’architecte chef de groupe.

« La reconstruction d’une ville comme Tours demandait ce qu’on appelle, en termes de musicien, du ‘’doigté’’. Centre de tourisme de grand prestige, Tours n’était pas indiqué pour servir de cobaye aux expériences d’avant-garde. Fallait-il donc procéder à une reconstitution fidèle des lieux tels qu’ils existaient avant la guerre afin de faire plaisir aux lecteurs de Balzac, d’Anatole France et de tous les écrivains fameux qui ont exalté la vieille cité tourangelle ? Non, certes.

Toutefois, sans revenir aux ruelles tortueuses ni aux étroits demeures individuelles qu’on appelle là-bas des « petits particuliers », il était nécessaire de respecter, sinon l‘aspect, du moins l’esprit architectural bien défini qui constituait son charme et dont la rue Nationale donnait, avant sa destruction partielle, le modèle élégant. Mais, bien entendu, ces deux impératifs, l’hygiène et le confort, auxquels ils seraient odieux aujourd’hui de ne pas obéir, imposaient la modernisation des installations intérieures, au bénéfice non seulement de la santé, mais aussi de la joie de vivre des habitants actuels de la ville meurtrie.

C’est ce que les reconstructeurs ont compris et qu’ils ont réussi, comme le montre cette place de la Résistance, sur laquelle nous documentons nos lecteurs. Elle fait honneur à ceux qui l’ont conçue et réalisée, à M. André Le Roy, architecte chef de groupe, à qui l’on doit l’étude des façades ordonnancées et du dispositif de distribution des différents réseaux, comme aux architectes d’opération qui ont su mener à bien une œuvre intéressante. 

N.D.L.R.

Tours, la place de la Résistance

André Le Roy, architecte chef de groupe

Le quartier nord de Tours fut détruit par incendie en juin 1940 ; c’était le centre commercial de la ville, bien situé entre les Halles et la rue Nationale.

Le nouveau plan d’urbanisme, tout en respectant l’ancien tracé des rues du Commerce, des Halles et Richelieu, donne à ce quartier, par la création de la place de la Résistance, un centre commercial nouveau permettant au surplus un parcage de voitures rendu absolument nécessaire par les besoins actuels de la circulation et du tourisme.

L’ensemble des quatre îlots ceinturant cette place a été étudié en vue de donner aux commerçants les plus grandes facilités d’exploitation, avec des rues de service intérieures desservant les arrière-boutiques, des garages, et le maximum de développement de vitrines sur les voies publiques.

L’ensemble des quatre îlots ceinturant cette place a été étudié en vue de donner aux commerçants les plus grandes facilités d’exploitation, avec des rues de service intérieures desservant les arrière-boutiques, des garages, et le maximum de développement de vitrines sur les voies publiques.

Dessin de la façade de la rue des Fusillés

Certains idées nouvelles ont été appliquées dans la reconstruction de ces immeubles. En premier lieu, les réseaux d’alimentation en eau, gaz, électricité, chauffage, ainsi que les évacuations des eaux-usées, sont groupés dans une galerie ceinturant l’intérieur des îlots, en sous-sol. Ce procédé permet un travail facile de pose et de surveillance d’entretien constante.

Galerie des réseaux – photo Jacques Germain

Les branchements sur les réseaux principaux extérieurs, étant réduits à deux points par îlot, ont permis une mise en place rapide de ces canalisations sous les chaussées nouvelles, sans avoir à exécuter par la suite de défoncement de celle-ci, au fur et à mesure de la construction des îlots.

D’autre part, le chauffage et la distribution d’eau chaude sont fournies par une chaudière collective, fonctionnant au mazout et distribuant par eau chaude pulsée les calories nécessaires à chaque immeuble.

Le chauffage de chaque logement est assuré par un appareil aérotherme, branché sur le circuit d’eau chaude provenant de la chaufferie. La distribution de l’air chaud aux différentes pièces du logement se fait par des gaines placées sous le plancher du vestibule d’entrée et dissimulée par un plafond surbaissé.

Les bouches d’air sont placées au-dessus des portes, et les reprises d’air sont faites par une grille posée dans la traverse basse des portes.

Un thermostat agissant sur le ventilateur électrique de l’aérotherme assure une température constante, et réglable suivant les besoins de chaque usager.

L’eau chaude est fournie par un ballon particulier à chaque logement et variant, suivant l’importance, de 100 à 200 litres. L’eau chaude du circuit général sert de réchauffeur à ce ballon ; un  compteur volumétrique enregistre la quantité d’eau dépensée par l’usager.

Cheminée de la chaufferie de l’îlot M (cour intérieure)
– photo Jacques Germain

L’ensemble des façades sur la place de la Résistance a été exécuté en pierre de Migné-mes-Lourdines, dans un style sobre s’apparentant par sa composition et ses proportions à certains vestiges d’architecture locale.

Il n’a pas été possible d’imposer une architecture ordonnancée pour les rez-de-chaussée commerciaux, et ceci nuira certainement à l’aspect d’ensemble de la place, la sobriété et le bon goût en matière de devanture commerciale n’étant pas toujours respectée.

Une plantation de jeunes tilleuls de Hollande vient d’être exécutée sur les refuges du parc à voitures et donnera à cet ensemble cet air aimable et bon à vivre qui fait le charme de la Touraine. La ville de Tours, centre du Jardin de la France, a tenu à ce que cette nouvelle place suive la tradition.

Angle de l’îlot D – photo Jacques Germain

La Construction Moderne, avril 1954