France

Blois, place en hémicycle formant tête de pont (projet de MM. Nicot et Billard) – Urbanisme juin 1943

La reconstruction
à Blois

Les quartiers historiques du centre-ville et les abords du pont Jacques-Gabriel sont sérieusement touchés lors de l’avancée allemande en juin 1940.

Ils vont être reconstruits après-guerre dans un style plus moderne, qui s’harmonise plutôt bien avec les architectures des siècles passés.   

Comme toutes les villes-pont sur la Loire situées entre Gien et Saumur, le chef-lieu du Loir-et-Cher est en partie détruit lors de l’avancée allemande en juin 1940 par les bombardements et les incendies qui ont suivi.

La ville est déclarée sinistrée par arrêté des Autorités le 31 juillet 1940. 

Les destructions s’étendent sur environ six hectares au cœur de la cité, notamment dans sa partie basse et aux abords du pont Jacques-Gabriel. L’essentiel des bâtisses médiévales en contrebas du château et des hôtels particuliers sont à terre, tout comme le collège Augustin-Thierry et l’Hôtel-de-ville.

On dénombre 373 immeubles complètement détruits et 267 réparables.

Destructions au bas du Château, été 40, Archives 41 © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Pierre Thibaut

Les premiers projets de reconstruction

Il va falloir débrayer les ruines et décider comment reconstruire. Démarche tout à fait originale pour l’époque, Henri Drussy, le président de la délégation spéciale de la ville de Blois et futur maire, lance une consultation par voie de presse afin de recueillir des projets de reconstruction.

L’architecte local Paul Robert-Houdin apparaît comme le plus pertinent ; il est nommé dès septembre 1940 architecte-en-chef. Son plan de reconstruction est approuvé dès octobre 40. 

En mars 1941, le Commissariat technique à la reconstruction immobilière (CRTI) de Vichy désigne l’architecte parisien Charles Nicod, urbaniste-en-chef. Son plan de reconstruction et d’aménagement sera validé en 1942, mais il ne pourra être mis en œuvre durant les hostilités.

Projet de Paul Robert-Houdin, août 40, avec déjà la création d’une place reliant la rue Denis Papin et le pont Jacques-Gabriel -Archives départementales 41 © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général  IVR24_20114100156NUC2A

1942 : le plan de reconstruction de Charles Nicot 

Voici comment Charles Nicot présente son projet dans les colonnes de la revue Urbanisme en juin 1943 : 

« Toute l’animation de Blois est concentrée sur la place Victor Hugo, dominée superbement par le château, et dans les rues Porte-Côté et Denis Papin qui la relient à la Loire. La plupart des rues étroites et pittoresques escaladent les flancs escarpés des coteaux, et renferment de vieilles maisons sculptées et de beaux hôtels Renaissance. Blois est encore riche en beaux monuments (…).

Les destructions par faits de guerre subies par la ville de Blois sont très importantes. Sur la rive droite elles s’étendent du pont sur une longueur d’environ 350 mètres en bordure du fleuve jusqu’au château qui, très heureusement n’a pas souffert. Un autre îlot se trouve derrière la cathédrale Saint-Louis.

Sur la rive gauche, les destructions ont affecté les abords du pont;

Plan de reconstruction de Charles Nicot – Urbanisme juin 1943

Le souci primordial du projet de réaménagement a été de conserver à Blois toute sa beauté architecturale et pittoresques et de mettre en valeur par des perspectives nouvelles le château et la cathédrale que la situation tragique créée permet de trouver.

La grande partie sinistrée est la vieille ville basse aux rues pittoresque dont il fallait garder l’esprit et le caractère dans la reconstruction, tout en améliorant la circulation des voies principales et en cherchant un meilleur regroupement des immeubles à reconstruire.

Les constructions détruites donnent la possibilité de dégagement rendant au château une partie de ses remparts (Études de M. Aubert sur la place Louis-XII) – Urbanisme 1943

Il fallait que ces quartiers nouveaux viennent se souder aux anciens par un tracé souple, évitant les trop longs alignements rectilignes, gardant, malgré les besoins de la circulation, l’échelle des rues étroites qui donne le caractère de la vieille ville. 

Les constructions adossées aux remparts du château ainsi que les hôtels construits sur la place du château, qui en masquaient la vue ayant été détruits, une possibilité de dégagement et de composition d’ensemble s’imposait, rendant au château une partie de ses remparts et donnant depuis la terrasse la vue magnifique sur la vallée de la Loire ».

Ce plan comprend notamment l’élargissement à 16 mètres de la rue Denis Papin et l’élargissement des quais sur lesquels passe la RN 152, la création d’une place en hémicycle devant le pont Jacques Gabriel (future place de la Résistance) ainsi que l’agrandissement de la place Louis-XII au pied des remparts du château. Charles Nicot prévoit également la création d’un nouveau marché couvert et d’une salle des fêtes à la place du théâtre détruit.

Et Charles Nicot de poursuivre : « le plan prévoit les différentes zones d’habitation, zone d’habitations collectives, zone d’habitations individuelles et résidentielles, zone industrielle créée dans le nord et en liaison avec les voies ferrées.

Des servitudes esthétiques sont prévues dans le cadre de tous les monuments classés, ainsi que les matériaux de construction, la pente des toitures, etc., pour garder à Blois tout son caractère ».

Études de M. Aubert sur la place Louis-XII – Urbanisme 1943

La Reconstruction après-guerre

En 44, les bombardements alliés n’épargnent pas Blois. A la Libération, André Aubert est nommé par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (M.R.U.) en remplacement de Charles Nicod. Il reprend le plan d’urbanisme de son prédécesseur, sans y apporter de modifications majeures.

Comme on l’a vu, le plan de reconstruction de Blois définit des zones d’activités distinctes et a notamment créé des quartiers de compensation pour accueillir une grande partie des sinistrés du centre-ville.

Afin de ‘’mettre en valeur par des perspectives nouvelles le château et la cathédrale que la situation tragique créée permet de trouver ‘’ et par souci hygiéniste, le plan de reconstruction des quartiers sinistrés s’abstrait quelque peu du schéma viaire préexistant pour dessiner des îlots plus homogènes, plus aérés et plus lumineux. Les îlots sont de taille modeste si on les compare à ceux d’Orléans ou du Havre, mais ils sont à l’échelle de Blois.

© Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Myriam Guérid

Les travaux débutent donc en 1946 par l’îlot J, sur ce qui doit devenir la place de la Résistance, en face du pont Jacques-Gabriel. Il s’agit d’un immeuble sans affectation individuelle (ISAI) préfinancé par l’État car les dossiers des dommages de guerre sont en cours d’instruction.

Puis ils vont se poursuivre, de 46 à 48 avec les îlots N,F et G. Entre 1949 et 1950, ce seront les îlots A, H, I et U. En 1951-52, l’îlot K, et sur la rive gauche les îlots D, O, S et T. La construction des îlots B, E et M ne s’achèveront qu’au milieu des années soixante.  

Parallèlement sont construits plusieurs équipements publics et les places du Château et Louis-XII sont réaménagées.

© Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Myriam Guérid

L’architecture de la Reconstruction de Blois

Les bombardements de juin 1940 et l’incendie qu’ils déclenchent avaient détruit la totalité des immeubles bordant le côté sud de la place du Château. Respectant le plan de Charles Nicot, les immeubles détruits ne sont pas reconstruits.

Par contre, deux édifices datant du début du XVIème siècle, les hôtels d’Amboise et d’Épernon qui avaient brûlé entièrement pendant l’incendie, vont être reconstruits à l’identique. « Les deux seuls édifices reconstruits au sud de la place, leur restitution permettant de rendre à la prestigieuse façade Louis-XII un écrin et une échelle ».

Les ruines des hôtels d’Epernon et d’Ambroise en 1940- Archives 41 © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général – Pierre Thibaut

La Place de la Résistance : Avant-guerre, le pont débouchait directement sur la rue Denis-Papin. De l’avis des habitants, il manquait une place de tête de pont. Le projet conçu par Charles Nicod d’une place semi-circulaire dans l’axe d’une rue Denis-Papin va être mis en œuvre au lendemain de la Libération, mais les travaux s’échelonneront jusqu’au milieu des années 50.

Blois, vue arienne en 1951 – Photo Henrard Roger © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général – IVR24_92410329N

Les quartiers reconstruits

Les nouveaux immeubles ont été réalisés pour l’essentiel avec des ossatures en béton et les techniques traditionnelles de la maçonnerie. On n’a relevé qu’un assez faible de recours à la préfabrication. Les toits sont pentus, recouverts d’ardoise. Les hauteurs varient de deux à quatre étages avec la volonté d’utiliser les perspectives ouvertes par les destructions de la guerre pour mettre en valeur les monuments historiques de la cité et ses paysages. 

Blois, façade de l’îlot G – La Construction Moderne 1952

Le parti-pris esthétique des façades donnant sur la rue est empreint de régionalisme. Pour faciliter l’intégration des nouveaux bâtiments dans le tissus urbain historique, les architectes d’opération ont été incités à se démarquer les uns des autres. Mais derrière les façades qui reprennent une partie des codes esthétiques locaux des siècles passés, on a bien des logements clairs et lumineux, dotés du confort moderne. Pour loger les sans-abri, et accueillir les nouveaux arrivants, on construit à la périphérie et sur la rive gauche des ‘’logements de compensation’’.

Angle en rotonde d’un immeuble de l’îlot P – La Construction Moderne 1952

Pour illustrer cette reconstruction régionaliste qui plait bien aux lecteurs de la revue La Construction Moderne, voici des extraits de l’article de Pierre Arrou publié dans cette revue en juin 1952 :  

« Les nouvelles constructions, dans les quartiers sinistrés ont été conçues dans un esprit traditionnel : murs en moellons de pays, enduits extérieurs à la chaux, piédroits, chaînage, soubassements et encadrements de baies en pierre, cheminées en briques rouges, couvertures en ardoises. Le préfabriqué n’intervient que dans les éléments de planchers (…).

Dans une ville aussi visitée que Blois, la perspective de la rue a une importance capitale. Il importait de veiller à ce que des initiatives discutables ne vinssent pas gâter et ruiner l’effort patiemment accompli par les services de la Reconstruction. Aussi les projets et maquettes de magasins y sont-ils soumis au même contrôle que les projets d’immeubles. Sans imposer des matériaux déterminés, les crédits étant, hélas ! trop souvent réduits, on guida les installateurs vers un choix judicieux de revêtements et d’habillages qui apporte sa contribution à l’ambiance recherchée. 

C’est ainsi, en particulier, que la reconstruction du quartier démoli de Blois sur la rive droite de la Loire, permet aux touristes d’atteindre le but e leur visite sans se trouver choqués par un dépaysement agressif, et  à la cité qui les accueille de garder ce que Victor Hugo, dans une pièce célèbre, consacrée à la demeure blésoise de son père appelait ‘’.. un air de bienvenue et d’hospitalité’’ ».

J.L. V.

SOURCES