Œuvre de l’architecte Guillaume Gillet, à qui on doit notamment l’église Notre-Dame de Royan, et de l’ingénieur René Sarger, le château d’eau de la Guérinière à Caen est l’un des plus étonnants réservoirs construits en France.
Entièrement réalisé en béton armé, il témoigne de la volonté de ses créateurs de réaliser une prouesse technique dont les habitants des H.L.M. de ce nouveau quartier pourraient être fiers. Il restera malheureusement en partie inachevé.
Le Château d’eau de la Guérinière demeure néanmoins un magnifique exercice de style et une véritable prouesse technique qui mérite toute notre attention.
Si la demande du maître d’ouvrage pouvait paraître simple à énoncer, sa concrétisation relevait d’un véritable défi technique et organisationnel. L’architecte et son bureau d’études devaient en effet être capables de réunir, sur un terrain rectangulaire contraint, en une seule construction : à la fois, un réservoir de 3.000 m3 pouvant alimenter ce nouveau quartier en construction à la périphérie de Caen, un marché couvert de 1.500 m2 et un centre administratif !
Pour répondre à ce défi, le parti architectural adopté par l’architecte Guillaume Gillet et l’ingénieur René Sarger part de l’idée paradoxale suivante : un réservoir de cette contenance doit s’appuyer sur un faisceau de points porteurs assurant la stabilité, tandis qu’un marché couvert d’une telle surface, demande au contraire une surface au sol libérée au maximum.
D’où le pari consistant à réunir en un seul faisceau, les appuis du réservoir et la structure du marché couvert.
Il fallait donc faire tenir un cône sur sa pointe, c’est-à-dire en assurer l’équilibre par des poutres rayonnantes de la couverture venant prendre appui sur des poteaux périphériques. Ce que Guillaume Gillet à résumer par ce croquis :
Le schéma technique impose alors une rotule à la pointe du cône principal et l’encastrement des poutres de couverture du marché à un niveau tel que l’ensemble supérieur assoie sa stabilité sur les seize poteaux consoles périmétriques qui délimitent l’espace du marché couvert.
Le réservoir est un tronc de cône placé au sommet de l’édifice reposant sur une structure portante composée de voutains en béton armé en forme de cône reportant les charges et les surcharges sur les poteaux du faisceau structural. Le marché couvert se situe au niveau inférieur sur la dalle de la place. Le centre administratif est logé dans la galerie circulaire reposant à la périphérie du toit du marché couvert.
Les couvertures du réservoir et du marché sont constituées d’une succession de voûtes minces rayonnantes en béton. Les voûtes du marché couvert sont incrustées de pavés de verre pour éclairer naturellement l’espace commercial.
Le nouveau quartier (baptisé ”de la Guérinière”) avait pour vocation de reloger les sinistrés ne pouvant être logés en centre-ville et ceux qui avaient été installés dans les baraques construites sur l’ancien terrain d’aviation de la Guérinière (ces baraques semi-cylindriques que l’on aperçoit à côté du château d’eau).
La municipalité de Caen avait initialement prévu d’y installer un centre administratif – dont les bureaux devaient prendre place dans la galerie circulaire placée au-dessus de la toiture du marché couvert. Deux escaliers doubles devaient permettre d’y accéder.
Conçu en 1955, les travaux ont débuté en 1957. Les essais de mise en eau du réservoir ont eu lieu un an plus tard. Le projet est resté toutefois inachevé. Les élus caennais n’ont finalement pas souhaité installer des services publics dans la galerie circulaire au-dessus du toit du marché couvert. L’anneau circulaire est donc resté vide et les escaliers devant y conduire n’ont pas été construits.
Le terrain de la place (aujourd’hui baptisée ‘’place de la justice’’) étant rectangulaire, Guillaume Gillet a souhaité donner une forme ovale au marché couvert. Si on peut le comprendre dans l’absolu, en pratique, cela n’est pas sans créer une certaine gêne en regardant l’édifice de près.
Le Château d’eau de la Guérinière demeure néanmoins un magnifique exercice de style et une véritable prouesse technique qui mérite toute notre attention.
JL V