Architecture hospitalière France

Le nouvel Hôtel-Dieu de Nantes en 1958

Le nouvel Hôtel-Dieu de Nantes 

A la Libération, Michel Roux-Spitz, architecte-en-chef de la Reconstruction de Nantes, fut choisi pour reconstruire l’hôtel-Dieu fortement endommagés par les bombardements alliés en 1943.

Hôpital-bloc cruciforme, massif au premier regard, visible avec ses 13 étages de nombreux points de la ville de Nantes, il tranche avec le ‘’classicisme moderne’’ adopté par Michel Roux-Spitz pour la reconstruction de la ville.

Il demeure néanmoins emblématique de l’architecture hospitalière du milieu du XXème siècle, tant par les débats qu’il a suscité que par les choix qui ont été retenus.

L’hôtel-Dieu qui avait construit dans les années 1850/60 sur le modèle de l’hôpital Lariboisière fut très durement endommagé par les bombardements en 1943. Dès lors qu’il apparu nécessaire de le reconstruire, « deux questions récurrentes furent inlassablement posées : le choix de l’emplacement et le nombre de lits à prévoir ». La municipalité plaidait pour la construction de plusieurs établissements excentrés, la commission administrative privilégiait une reconstruction sur place, c’est-à-dire, intra-muros au bord de la Loire. Elle emporta la décision en 1947. 

Concernant le nombre de lits, Michel Roux-Spitz estimait qu’il fallait que le nouvel hôpital ait un nombre de lits supérieur à celui de l’ancien (1 350) à l’instar des grands hôpitaux-blocs américains et des théories développées par Jean Walter l’architecte de la Cité hospitalière de Lille et de l’hôpital Beaujon à Clichy. Pour réduire les coûts, les élus locaux firent pression pour réduire sensiblement le nombre de lits ainsi que la surface du futur hôpital. Finalement, le permis de construire délivré en 1950 retenait le chiffre de 955 lits (800 en hôpital général, 155 en maternité et en pédiatrie). En 1958, alors que les travaux étaient en cours, le débat fut relancé, ce qui entraîna un arrêt du chantier, des délais supplémentaires et une reconfiguration de certaines surfaces. À son ouverture, l’Hôtel-Dieu de Nantes comporte 1 083 lits : 901 dans le bloc central, et 182 au “Pavillon de la Mère et l’Enfant”.

Comme le souligne Gilles Bienvenu : « Inauguré en 1967, l’hôtel-Dieu s’avéra, sans surprise, rapidement insuffisant ; de nombreux bâtiments hétéroclites forment désormais une gangue autour de l’édifice initial, faisant disparaître jusqu’au souvenir des jardins et espaces végétalisés que prévoyait l’architecte sur les 3 hectares du site et privant les chambres des ailes d’hospitalisation de leur vue sur la Loire ».     

La configuration de l’hôpital

L’Hôtel-Dieu en 1865 © Archives de Nantes 2Fi146

A l’opposé de l’architecture ‘’pavillonnaire’’ de l’hôtel-Dieu construit un siècle plus tôt, le nouvel établissement a été conçu comme un hôpital-bloc (cf. notre article sur l’architecture hospitalière avant 1960). Le principe de ce modèle de construction est réduire les déplacements par l’utilisation d’une colonne centrale d’ascenseurs et d’escaliers distribuant les différents étages.

Cette rotule centrale est marquée visuellement, à Nantes, par les quatre énormes piliers visibles dans le hall principal à la croisée de quatre ailes rayonnantes perpendiculairement. 

A la différence de l’hôpital-arbre de Paul Nelson (à Saint-Lô ou à Arles), les services de consultation ne sont pas installés à Nantes à la base de l’hôpital mais dans l’aile Nord, les chambres d’hospitalisation ne  sont logées uniquement dans les étages supérieurs mais dans les ailes Ouest et Sud la maternité et la pédiatrie étant installées dans un bâtiment séparé, les services généraux et les moyens techniques ne sont pas dans les sous-sol, mais dans des bâtiments distincts.

Schéma de l’hôpital-arbre de Paul Nelson

Plan-masse de l’Hôtel-Dieu de Nantes : 1. Consultation, 2. Centre de transfusion, 3. Blocs opératoires, 4. Urgences, 5. Laboratoires, 6. Hospitalisation, 7. Chapelle, 8. Services généraux, 9. Hospitalisation, 10. Hôpital de la Mère, 11. École d’infirmières, 12. Usine 

La construction de l’édifice

Le nouvel hôpital devant faire une dizaine d’étages de hauteur et étant construit sur une ancienne île de la Loire, 2268 pieux furent battus à 27 mètres de profondeur d’avril 1951 à février 1954 afin de créer une assise suffisamment stable.

Alors qu’en en France les ossatures sont généralement en béton, c’est l’option d’une ossature métallique enrobée de béton banché de pouzzolane qui fut retenue du fait de son poids moindre et de la rapidité de son montage.

A l’origine, Michel Roux-Spitz souhaitait utiliser de la pierre calcaire pour le remplissage des façades, ce qu’il put faire pour l’hôpital de Dijon. Mais à Nantes, pour des raisons budgétaires, il dût se contenter d’un enduit lisse en béton. A la différence des immeubles de Perret (ou de ses élèves comme Denis Honegger à l’hôpital de Sainte-Marie-aux-Mines), le revêtement des façades chez Michel Roux-Spitz occulte complètement l’ossature du bâtiment.

Le montage de l’ossature métallique du nouvel Hôtel-Dieu vu depuis le Sud-est en 1951 © coll. particulière

Les façades sont légèrement différentes selon qu’elles correspondent à des chambres à 6, 4, 2 ou à 1 lit. Les chambres d’hospitalisation sont équipées de larges fenêtres à guillotine. On trouve aussi de baies étroites basculantes dans les laboratoires les infirmeries, les salles de pansements. Des alignements de petits oculi marquent la présence de demi-étages techniques, et des pavés de verre celle des escaliers et des rampes d’accès.       

L’Hôtel-Dieu conçu par Michel Roux-Spitz inauguré en 1967 sera vite modifié, certains bâtiments étant détruits pour être remplacés par des bâtiments plus spacieux.

Les ailes Sud et Est de l’Hôtel-Dieu en 1955

Quel avenir pour cet édifice ?

L’actuel CHU de Nantes implanté dans les locaux de l’Hôtel-Dieu construit par Michel Roux-Spitz doit être réimplanté en 2027 dans son nouveau site sur le côté sud-ouest de l’ile de Nantes. La ville deviendra propriétaire des locaux laissés vacants et de ses 10 hectares. Mais pour en faire quoi ?

Un concours d’idées a été lancé. On sait déjà que le bâtiment cruciforme devrait être conservé. La municipalité souhaite que le maximum de matériaux soit conservé et que les sols devront être désimperméabilisés afin que ce quartier  ne  soit plus un îlot de chaleur urbain. 

J-L V.

SOURCES :

  • ‘’ L’hôtel-Dieu de Michel Roux-Spitz à Nantes ’’, par Gilles Bienvenu, Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 2023, 158, pp.261-282. hal-04546504
  • ‘’ L’Hôtel-Dieu de Nantes, Palimpseste d’une hospitalité ‘’, Camille Aubourg, Projet de fin d’études 2017, ENSA Nantes