Architecture scolaire France

L’École de Pierre Vago à Tarascon 

Cette école de garçons a été construite par la ville de Tarascon entre 1948 et 1952, au titre des dommages de guerre, en remplacement de l’ancienne école détruite en 1944 par les bombardements alliés.

Pierre Vago étant l’architecte en charge de la reconstruction de la ville, réalise avec cet établissement sa première construction scolaire. 

Une marquée par une architecture à la géométrie cubiste très affirmée qui l’inscrit définitivement dans le répertoire du Mouvement moderne.

Une architecture saluée dès 1953 par la revue L’Architecture d’Aujourd’hui

Comme il l’explique dans ses mémoires (‘’Une vie intense’’) : « Les plans d’urbanisme étaient très mal rémunérés. Il arrivait souvent que les honoraires d’un urbaniste faisant consciencieusement son métier couvrent à peine ses frais. Ainsi, l’habitude était de confier à l’architecte chargé d’élaborer le plan d’aménagement d’une ville, en guise de compensation, la construction d’un édifice public. C’est ainsi que je reçu la commande de l’école de garçons de Tarascon ». 

Le programme architectural prévait huit classes d’enseignement, une classe de sciences et une de dessin, un amphithéâtre, un gymnase, un réfectoire, un centre médical et six logements de fonctions. Etaient également envisagés pour être réalisés ultérieurement : un terrain de sport, une école de filles et une maternelle. 

Le Conseil municipal de Tarascon confia à Pierre Vago la construction de cette école de garçon le 23 mai 1946. Il faudra une petite année à l’architecte pour finaliser son projet définitif. Les plans et devis seront définitivement adoptés par la Municipalité en janvier 1948 après avoir reçu successivement les approbations de l’Inspecteur de l’Enseignement primaire, de l’Inspecteur d’Académie, de la Commission départementale de Reconstruction, du préfet, de la direction des Constructions scolaires du ministère de l’Éducation nationale et par la section spéciale des Bâtiments de l’enseignement du Conseil général des Bâtiments de France. 

Les travaux débutèrent fin 1947, mais ils s’interrompirent à l’automne 48 par manque de financement. Il faudra attendre le début 1950 et le versement par l’État du complément des dommages de guerre, pour que les travaux puissent être relancés. Le chantier est finalement livré pour la rentrée 1952. 

École de garçons à Tarascon 

L’Architecture d’Aujourd’hui, avril 1953

Pierre VAGO, architecte

« Le parti est commandé par le terrain et les conditions climatiques du pays.

Les bâtiments des classes et le bâtiment qui abrite les logements sont parallèles, largement ouverts vers le soleil et fermés du côté Nord d’où souffle le mistral.

Les classes donnent sur la cour de récréation, les logements sur une cour-jardin, communiquant avec la cour de récréation par le préau et ouvert vers l’Est, où a été aménagée l’entrée.

Au fond de la cour-jardin : le gymnase ; au centre de l’aile Nord, la salle de réunion et de fêtes. Une ossature en béton porte les planchers préfabriqués ; la maçonnerie est traditionnelle ; la couverture est en terrasse. Le revêtement des sols est en carreaux de granito et en ‘’Solplastic’’ pour le gymnase. 

1 à 4. Logements – 5. Chambres – 6. Vide de l’amphithéâtre – 7. Classes

Les menuiseries sont métalliques : on remarquera le système d’ouverture des fenêtres de classes spécialement étudié à la demande de l’architecte pour permettre l’ouverture très large des baies même par temps de pluie et sans aucune saillie vers l’intérieur.

La protection contre le soleil est assurée par des stores vénitiens ; le mobilier est métallique.

Chauffage central par le sol ; cuisine et distribution d’eau chaude par électricité. Éclairage fluorescent ; sèche-mains électriques.

Le financement de cette opération a été assuré uniquement à l’aide de la créance ‘’dommages de guerre’’ de l’ancienne école, vétuste et désuète, qui, située en bordure de la route nationale, était mal orientée et ne possédait qu’une cour insuffisante ».

1. Douches 2. Médecin 3. Vestiaires 4. Infirmière 5. Salle de dessin 6. Vestibule 7. Amphithéâtre 8. Cantine 9 à 15. Bureau et appartement du directeur, logement du gardien 16. Patio 17. Loge 18. Gymnase 19. Salle de sciences 20. Toilettes

Une architecture Moderne résolument

Pierre Vago dans ses Mémoires qualifie ainsi cet édifice : « Je considère cette école de Tarascon comme une bonne chose. Sans être extraordinaire, ni géniale, sans constituer une œuvre d’art, elle innove, contient pas mal de petites trouvailles (un modèle original bien adapté de fenêtres, par exemple) et utilise bien le terrain. Une partie sur pilotis, abrite un préau couvert fort apprécié ». 

Eléonore Marantz-Jaen, autrice de la notice de l’inventaire de la production architectural d’Arles et de Tarascon au XXème siècle, nous livre une analyse précise de cet édifice. « Attentif au bon fonctionnement de l’établissement, Pierre Vago dissocie, au moyen de deux bâtiments, les espaces d’enseignement (bâtiment des classes ou aile sud) des équipements scolaires et administratifs et des logements (bâtiment des logements ou aile nord) ».

Le préau en-dessous des classes

Ils « bénéficient de traitements différenciés au niveau de l’élévation. Le bâtiment des classes affirme son caractère aérien : Pierre Vago utilise des pilotis, solution qui lui permet d’aménager un préau couvert reliant la cour de récréation à la cour d’honneur ». 

« Pierre Vago adopte une logique inverse pour le bâtiment des logements qui présente un rez-de-chaussée et un étage partiel : l’architecte développe l’aile de façon continue au niveau inférieur, soulignant son ancrage au sol ; par contre, il introduit deux césures au niveau supérieur, de part et d’autre de l’amphithéâtre qui, au centre de la composition, se déploie sur les deux niveaux. Il en résulte une silhouette crénelée ».

La cour d’honneur ; à droite, le bâtiment avec le préau et les salles de classe

« Pierre Vago surélève légèrement les bâtiments par rapport au niveau du sol. Il adopte le principe d’emarchements continus (deux ou trois marches) qui, s’inspirant du système de crépis des temples grecs, monumentalise de façon très subtile son architecture ».

« L’entrée de l’école de garçons se signale par un portique en béton très léger : six fines colonnes disposées par paires délimitent trois travées et portent un voile de béton horizontal. De discrètes grilles tubulaires en métal règlementent l’accès et délimitent le territoire de l’école. Pierre Vago propose donc une architecture largement ouverte sur l’espace urbain, ce qui apparaît comme novateur en matière d’architecture scolaire ». 

« Si Pierre Vago prend en compte les conditions locales pour l’implantation des bâtiments, il ne fait aucune concession à la tradition pour le traitement architectural. L’utilisation de toiture-terrasse, la planéité des façades tout juste rompue, de façon très ponctuelle, par quelques retraits ou saillies, la prédominance des lignes droites et des arêtes vives, contribuent à créer une architecture à la géométrie cubiste très affirmée qui l’inscrit définitivement dans le répertoire du Mouvement moderne ». 

L’évolution de l’édifice

Depuis sa construction, le bâtiment a connu plusieurs modifications. Dès 1955, Pierre Vago décida de fermer le portique d’entrée orienté Nord-Est par de grandes baies vitrées afin de protéger la cour intérieure du mistral. Des fenêtres coulissantes et des impostes fixes se sont substitués aux huisseries à bascule horizontale d’origine. Des gouttières ont remplacé les chéneaux intégrés prévus à l’origine par l’architecte. Des rampes d’accès pour les personnes à mobilité réduite ont été installées. Ces modifications n’ont toutefois pas altéré fondamentalement le caractère unique de cette architecture

JL V

SOURCES : 

  • ‘’Une vie intense’’, Pierre Vago, Bruxelles, AAM Éditions, 2000 
  • ‘’École de garçons à Tarascon’’, L’Architecture d’Aujourd’hui, avril 1953
  • ’École Jules-Ferry, anciennement École de garçons’’, l’inventaire de la production architectural d’Arles et de Tarascon au XXème siècle, Eléonore Marantz-Jaen, DRAC PACA