Edifices religieux France

L’entrée principale à droite de l’abat-sons des cloches © jlv

L’église Saint-Julien à Caen

L’église Saint-Julien à Caen est, selon moi, l’une des églises les plus remarquables de la Reconstruction. 

Œuvre de l’architecte Henri Bernard, surtout connu pour avoir conçu quelques années plus tard la Maison de la Radio à Paris, l’édifice est basé sur un plan en ellipse.

L’architecte en avait eu l’idée lors de sa captivité en Allemagne. Il avait constaté lors des célébrations de la messe qui avaient lieu en plein air, que les prisonniers se mettaient naturellement en cercle.  

Point de clocher, ni de façade principale. A l’intérieur, la simplicité du volume, la régularité des parois, l’absence de décorum, la lumière magique provenant des vitraux, ne sont pas sans rappeler l’église Saint-Pierre à Yvetot.  

Voici d’ailleurs comment Henri Bernard l’a justifié par la suite : « autant que la disposition en croix latine ou grecque, qui va souvent à l’encontre de l’unité recherchée, la forme choisie pour le vaisseau comporte sa symbolique : on lui a donné à dessein la forme d’une ‘’gloire’’ ; l’arche de Noé surmontant le déluge ; c’est le vaisseau de l’Église ballotée par les flots, comme la barque des pêcheurs du lac de Génésareth d’où le Christ apaise la tempête. C’est aussi le grain de froment avec son germe, l’autel. Mais il ne s’agit plus de l’autel païen caché au fond de la cella du temple, et accessible aux seuls prêtres ; c’est l’autel image du Christ qui s’est fait Homme. Il est là, offert à tous les regards ». 

Plan au sol, archives 
diocésaines © CRMH Basse-Normandie

Plan de l’église : A. : Baptistère (au-dessus, les cloches) – B. : Narthex  (au-dessus, la tribune) – C. : l’Assemblée – D. : le Maître-autel – E. : Ambons – F. : Saint-Sacrement – G. : Confessionnaux – H. : Galerie des cortèges (vers la sacristie et le presbytère) – I. : Emplacement des bancs mobiles pour les enfants.

Architecture Française, numéro 211/212, 1960

Le rez-de-chaussée est réservé à la chapelle mortuaire et aux salles paroissiales ; le niveau supérieur, à l’église elle-même en forme d’amande ; une galerie mène à un petit bâtiment qui abrite la sacristie et le presbytère. 

La pente et la nature du sous-sol (des remblais de carrière) ont amené l’architecte à asseoir le bâtiment sur 172 pieux de 7 à 8 mètres de longueur et de 60 tonnes de force portante unitaire. 

Vue extérieure du côté du presbytère
Vue extérieure de l’autre côté

Véritable tour de force technique, la coupole en béton de 7 cm d’épaisseur d’une portée de 38 mètres sur 50 a été coulée sur place. Elle repose uniquement sur les 44 piliers qui structurent les murs extérieurs. 

La nef avec à gauche le maître-autel et derrière l’autel du Saint-Sacrement – Architecture Française 1960

Détail de la façade. On remarquera le principe des panneaux-claustras préfabriqués dans lesquels sont placés les dalles de verre coloré qui assurent l’éclairage de la nef et créent l’ambiance lumineuse. – Architecture Française 1960

Entre ces piliers, des claustras préfabriquées en béton armé accueillent les 4.500 dalles de verre imaginées par le peintre Jean Edelmann. Cette polychromie lumineuse à dominante bleu mais aussi rouge, crée une atmosphère saisissante propice au recueillement. « La dimension symbolique de l’architecture trouve ainsi son prolongement par cette multitude de points lumineux qui semblent vouloir évoquer la voûte cosmique. L’ambiance crée par ce tamis coloré forme par ailleurs un heureux contraste avec la teinte des bétons armés, notamment l’intrados de la voûte elliptique ». 

En optant pour cette forme en amande, Henri Bernard a voulu regrouper dans un volume unique tous les éléments constitutifs d’une église catholique. Dès l’entrée, sous la tribune et sous les cloches, le baptistère. Le maître-autel est placé à mi-chemin entre l’autel du saint-sacrement au fond du chœur et le centre de la nef de façon à ce que la messe puisse être célébrée aussi bien face ou dos aux fidèles. Une nef qui peut accueillir jusqu’à un millier de personnes. Outre l’éclairage naturel, des tubes lumineux sont fixés sur les piliers de façon à assurer un éclairage artificiel sans nuire à l’esthétique de l’ensemble architectural.

L’entrée, le baptistère, la tribune et l’orgue. Dans la nef, on remarquera les bancs dont les montants sont en béton.

Comme cela se faisait beaucoup à l’époque, Henri Bernard a dessiné le maître autel, l’autel du Saint-Sacrement et la Croix. Par manque d’argent, celle-ci ne sera réalisée qu’en 2013, mais par Dominique Kaepplin, le petit-fils du sculpteur qui avait été choisi par l’architecte. Signalons également les bancs, dessinés par Henri Bernard, dont les montants sont en béton armé et les assises en bois.

L’orgue a été construit en 1925 par la maison Roethinger l’église catholique de Saint-Pierre le vieux à Strasbourg. Il a été par la suite acquis en 1959 pour être installé dans l’église Saint-Julien. 

JL V

SOURCES :

  • ‘’Patrimoine Sacré du XXème et du  XXIème siècle’’, Paul-Louis Rinuy, collection patrimoine en perspective, Éditions du patrimoine   
  • ’La reconstruction des édifices religieux en Basse- Normandie après la Seconde Guerre mondiale’’, Alain Nafilyan, In Situ [En ligne], 11 | 2009, mis en ligne le 18 avril 2012, http://journals.openedition.org/insitu/5666
  • ’L’église Saint-Julien de Caen’’, Architecture Française, numéro 191/192, 1958