Au cœur de la ville d’Yvetot, l’église Saint-Pierre ne passe pas inaperçue. Sa forme, sa couleur et son matériau suscitent la curiosité de ceux qui la voit pour la première fois. Et pour cause : l’église Saint-Pierre est ronde, rose et en béton.
Dès l’entrée, le visiteur est frappé par la luminosité donnée par le vitrail de Max Ingrand, le plus vaste d’Europe à l’époque de sa construction.
Une église réalisée par trois architectes qui, au départ, étaient en compétition pour remporter le concours.
Situé quasiment à mi-chemin entre Le Havre et Rouen, Yvetot a été lourdement bombardée en 1940. L’église devra finalement être rasée et il faudra la reconstruire. Parmi les projets proposés, c’est celui de l’architecte Yves Marchand qui sera retenu en 1949 : une nef circulaire de 40 mètres de diamètre et de 20 mètres de haut avec un campanile séparé, relié à l’église par un baptistère.
La première pierre est posée en septembre 1951. Les architectes Pierre Chirol et Robert Flavigny, auteurs de deux projets non retenus, seront également architectes de cette construction difficile.
Pierre Chirol, qui avait pris la direction des opérations, meurt en novembre 1953. Marchand et Flavigny se querellent. Ils se heurtent aussi à la Coopérative de Reconstruction des Edifices Religieux. Fin 1954, le chantier s’arrête, il ne reprendra qu’en septembre 1955. L’église est enfin consacrée le 27 octobre 1956. Mais son aspect très moderne en choque plus d’un.
Voici la description qu’en a fait l’architecte Yves Marchand dans un article publié en 1958 dans la revue Architecture Française :
“Le programme prévoyait 3 éléments principaux : 1° la grande nef pour 300 personnes, 2° la chapelle d’hiver pour 200 personnes avec sacristies, salles d ‘œuvre et logement des vicaires, 3° le clocher et les fonts baptismaux.
Le choix de la nef circulaire a été commandée non seulement par la situation du terrain, mais aussi et surtout par les avantages pratiques que comporte le cercle. Les fidèles peuvent, en effet, se placer en éventail autour du sanctuaire. A l’excellente visibilité ainsi obtenue s’ajoute l’affirmation du principe de l’assemblée orientée vers le point d’intérêt : l’autel de la messe.
L’édifice est essentiellement constitué d’une ossature en béton armé teinté dans la masse, destinée à rester apparente.
Une calotte sphérique de 12 cm d’épaisseur sur 35 mètres de diamètre à la base, est supportée par 24 colonnes de 40 cm de diamètre. Elle porte une couverture en cuivre de forme conique par l’intermédiaire d’une charpente en chêne.
Dans la structure en béton de la paroi extérieure s’intègre un vitrail au plomb continu constituant un mur de lumière. Il est constitué de 84 lancettes de 90 cm de large sur 11 mètres de hauteur.
Marquant l’entrée principal, face à l’autel, un motif sculpté de 7 mètres et demi de large sur 11 mètres de hauteur s’inscrit entre deux piliers. Il a été coulé en béton armé et fait corps avec la structure du bâtiment.
Le baptistère et le clocher, indiqués au plan, seront réalisés ultérieurement ».
Les plus de mille mètres carrés de vitraux, œuvre de le peintre verrier Max Ingrand sont parmi les plus vastes d’Europe. Dès que l’on y entre, on est frappé par sa luminosité et son atmosphère tout à fait particulière.
Ci-dessous à gauche, la vue d’ensemble de la nef publiée dans la revue Architecture Française en 1959. On remarquera l’excellente disposition des bancs centrés vers l’autel. Le grand mur de lumière formant la paroi extérieure de l’église est un vitrail dû à Max Ingrand. A droite, la photo de la nef prise par G. Auger en 2019
Dans son ouvrage sur le patrimoine sacré du XXème siècle, Paul-Louis Rinuy s’exprime ainsi : « Les vitraux de Max Ingrand consacré à l’iconographie locale, aux grands saints de Normandie, couvrent une surface de 1 046 mètres carrés et produisent un effet lumineux impressionnant, voire inédit, qui dilate tout l’espace intérieur. Ce mur de lumière aux variations particulièrement stridentes de rouge, vert, bleu, rythmé par vingt-quatre pilastres, est unique en son temps et prouve l’ambition esthétique de ce maître verrier fort réputé après-guerre, qui sait animer d’immenses espaces de vitrail dans une logique plastique efficace et convaincante. C’est beaucoup plus cette invention de formes figuratives et de couleurs d’Ingrand que le mobilier liturgique ou la colossale sculpture de René Collamarini sur la façade qui donne sa personnalité à une architecture très dépouillée, voire pauvre, permettant de rassembler de manière harmonieuse jusqu’à 1 000 personnes ».
Ces vitraux mettent en effet en scène « aux côtés du Christ, de saint Pierre (patron de la paroisse d’Yvetot depuis plus de mille ans) et des apôtres, on reconnaît saint Valery (apôtre du pays de Caux et du Vimeux au VIIe siècle), saint Saëns (moine irlandais de Jumièges, fondateur d’une abbaye dans la vallée de la Varenne), saint Ouen (qui introduisit la vie monastique à Rouen), saint Philibert (premier abbé de Jumièges), et saint Wandrille. On y retrouve également des évêques de Rouen, parmi lesquels saint Romain (en train d’étrangler la gargouille qui dévastait Rouen), saint Remi et saint Hugues ».
Pour en savoir plus, nous vous invitons à cliquer sur ce lien : https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Normandie/Yvetot/Yvetot-Saint-Pierre.htm
SOURCES :