France Habitat collectif

Les Immeubles préfinancés des Anciens Docks à Rouen

Ce groupe d’immeubles préfinancés par le M.R.U. est emblématique de la reconstruction de Rouen. Tout comme ceux construits par Marcel Lods à Sotteville-lès-Rouen. 

Réalisé entre 1949 et 1954, il se caractérise par son aspect monumental, sa principale originalité tenant surtout à son dernier étage qui relie les deux corps de bâtiment. 

Situé en bordure du fleuve en aval du centre-ville, il témoigne de la volonté du M.R.U. de marquer la Reconstruction de Rouen par des bâtiments caractéristiques du Mouvement Moderne, comme à Boulogne-sur-mer, avec les quatre Buildings de Pierre Vivien . 

Ce groupe d’Immeubles Collectifs d’État (I.C.E.), présentés également comme des Immeubles Sans Affectation Immédiate (I.S.A.I.) a fait partie des programmes de construction de logements financés par le Ministère de la Reconstruction et engagés dès 1948 afin de pouvoir loger des sinistrés sans attendre que la conclusion de leurs demandes d’indemnisation au titre des dommages-de-guerre. 

Ces immeubles d’habitation participaient du vaste programme d’aménagement de la rive gauche de la Seine visant à transformer ce faubourg industriel largement détruit durant le conflit par les bombardements alliés, en une cité résidentielle accueillant également plusieurs bâtiments administratifs, le tout au milieu de généreux espaces verts. 

Sur un terrain de forme allongée parallèle au fleuve, les architectes devaient ainsi concevoir de quoi installer 180 logements. Le projet initial des architectes de ce projet (Jean-Louis Fayeton et André Remondet, qui semblent avoir été les architectes principaux ; Edmond Lair, Roger Pruvost et Noël Combrisson, les architectes d’opération) comportait à l’origine un ensemble de trois immeubles identiques reliés entre eux par un étage pont..

Les crédits mis à disposition par le M.R.U. ne permirent de construire que deux de ces trois immeubles. « L’absence du troisième bâtiment a certainement dénaturé l’intention plastique des auteurs en donnant à l’unique intervalle un caractère de porte ou d’arc de triomphe qui n’a jamais été souhaité ». De fait, les immeubles qui ont été construits ne comporte que 120 logements.

Les immeubles en cours de construction – L’Architecture d’Aujourd’hui, 1952

Cet édifice se compose donc de deux blocs de huit étages reliés par un neuvième étage construit légèrement en retrait sur toute la longueur. Chaque bloc est subdivisé en trois parties, séparés par des murs mitoyens qui servent de coupe-feu et desservis par trois batteries de cages d’escaliers et d’ascenseurs. Les 60 appartements de chaque corps de bâtiment sont accessibles à partir d’une galerie vitrée située au rez-de-chaussée. 

Les bâtiments reposent sur des pieux Franki de 16 mètres de longueur, moulés dans le sol, traversant les couches d’argile et de tourbe, et prenant appui sur des graviers et des calcaires durs.

L’ossature et les planchers sont en béton armé. Le remplissage des murs a été réalisé avec des parpaings creux de 0,30 mètre d’épaisseur et des parements intérieurs en pavés de plâtre enduits. Les cloisons intérieures sont en carreaux de plâtre. Les parquets sont en chêne, le carrelage des pièces d’eau en grès cérame. 

Le revêtement extérieur est constitué de dalles de pierre calcaire de 5 cm d’épaisseur accrochés par des crampons en acier inoxydable et reposant tous les deux étages sur une assise constituée par des pierres formant boutisse. L’encadrement des baies est en béton moulé. Les menuiseries extérieures coulissantes en tôle pliée.

Façade Sud des Immeubles Collectifs d’Etat des anciens docks – Architecture d’Aujourd’hui, 1953

Plan du rez-de-chaussée (Architecture d’Aujourd’hui, 1953). On distingue, à gauche et à droite de l’espace central, les deux galeries qui desservent chacune les trois cages d’escalier avec les ascenseurs.

Plan d’un palier courant avec 2 appartements de 4 pièces (L’Architecture d’Aujourd’hui, 1953) : sur le palier d’étage, on peut distinguer l’ascenseur et le local du vide-ordures. Dans les appartements, les pièces de nuit sont séparées des pièces de jour. La pièce de séjour comprend un coin repas et un coin de feu.

Les appartements sont équipés d’un chauffage central à eau chaude basse pression avec pompe de circulation, les cuisines sont pourvues d’un évier, d’un égouttoir et d’un placard, les salles de bain d’un lavabo et de tuyauteries préinstallées. Des vide-ordures ont été prévus à chaque étage, et l’on trouve au sous-sol un four destiné à l’incinération des ordures.

Comme le souligne la revue La Construction Moderne en 1952 : « Au point de vue de l’architecture, l’ISAI des anciens docks est d‘un modernisme franc : la netteté de sa silhouette, l’importance de sa masse, sa couleur claire et unie ne procèdent d’aucune concession à ce qui l’entoure, pas plus en ce qui concerne le vieux Rouen, heureusement assez éloignés, que pour ce qui est de la zone misérable qui l’avoisine directement. Lorsqu’il sera complété par d’autres immeubles de même conception, on peut penser qu’il formera, face à l’agglomération ancienne, un ensemble constituant le vivant témoignage de l’effort de renouvellement dont nous avons souligné la valeur ».   

Sources : 

  • ‘’ Rouen : l’I.S.A.I. des anciens docks ‘’, La Construction Moderne, février 1952
  • ‘’ Rouen groupe d’immeubles collectifs d’État des anciens docks ‘’, L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 46, février 1953
  • ‘’ Immeubles Collectifs d’État, quai des docks, à Rouen ‘’, Architecture Française, n° 141, 1953