La destruction durant la guerre de deux de ses magasins situés en centre-ville d’Orléans a finalement permis aux propriétaires de la Société Orléanaise des Grands Magasins de réunir toutes leurs activités dans un seul immeuble dont la construction s’est achevée en 1953.
Entretemps son dirigeant, Claude Chapeau, a rapporté de ses voyages d’études à l’étranger, en particulier des Etats-Unis, une compréhension très fine du marketing et des relations publiques. Les Galeries Orléanaises vont ainsi connaître un très grand dynamisme commercial.
Nous reproduisons ci-dessous deux articles complémentaires publiés en 1954, le premier écrit par le propriétaire, dans la revue Urbanisme, le second par les architectes, dans la revue Architecture Française.
Avant le bombardement du 15 juin 1940, la Société Orléanaise des Grands Magasins Pâris Frères exploitait 5 points de vente situés dans un rayon de 100 mètres autour des halles : les ‘’Galeries Orléanaises’’ (donnant sur les rues Thiers et Ducerceau), ‘’Mobilia’’, meubles (rue Decerceau), ‘’Pâris’’, nouveautés (rue Royale), ‘’Pâris Chapellerie et Chaussures’’ (rue Thiers) et ‘’Noveco’’, alimentation (angle des rues Royale et du Chariot).
Les bombes incendiaires détruisirent complètement les magasins ‘’Galeries Orléanaises’’ et ‘’Pâris’’ dont l’exploitation fut transférée dans les locaux de ‘’Mobilia’’ dès le 20 juillet 1940.
Lors du remembrement, le Conseil d’Administration opta pour un projet de reconstruction d’un Grand Magasin unique, qui grouperait toutes les spécialités sous un même toit : c’est ainsi qu’il fut attribué à la Société Orléanaise des Grands Magasins Pâris Frères, un terrain ayant la forme d’un trapèze irrégulier, délimité par les rues Ducerceau, de Bourgogne et Thiers.
Le 10 septembre 1953 les nouveaux bâtiments étaient inaugurés. En janvier 1954, M. J. Scott Webster, Directeur de la Mission Américaine de Productivité Commerciale écrivait après une visite détaillée d’experts américains : « My sincere congratulations to you on the highly creative and ingenious feature in the most advanced and progressive store it has been my pleasure to visit in the whole of France ».
Les Galeries Orléanaises sont de plus un vivant symbole de l’amitié franco-belge puisque cette réalisation a été le fruit de la collaboration de deux jeunes spécialistes du Grand Magasin : Jacques Michelon, 42 ans, Architecte D.P.L.G. et José Honhon, 26 ans, Conseil en Décoration Fonctionnelle, déjà professeur d’Arts Associés à l’École Saint-Luc de Liège et collaborateur direct de M. Léopold J.-L. Claeys, Directeur Technique des Galeries Anspach à Bruxelles.
Le succès de cette réalisation est dû avant tout au souci constant de réaliser un ensemble fonctionnel. S’intégrant entre un ensemble d’îlots nouvellement reconstruits et un quartier d’immeubles anciens épargnés par les destructions, le bâtiment à ossature de béton armé devait être une transition esthétiquement agréable à l’œil ; il devait être avant tout humain, accueillant, exprimer à la fois l’importance de son rôle dans la vie de la cité et participer intimement à son ambiance propre.
C’est pourquoi laissant de côté la dernière technique de la façade aveugle, les Galeries Orléanaises ont cet aspect imposant et classique rappelant l’architecture grecque où les colonnes extérieures alternent avec de larges panneaux de verre trempé Saint-Gobain ‘’granulé’’, assurant une pénétration maximum de la lumière extérieure.
Le Grand Magasin doit être une cité dans la cité et deux larges ‘’open-front’’ permettant au passant de participer visuellement à son activité.
La difficulté de la dénivellation a été mise à profit pour obtenir une meilleure pénétration du sous-sol de vente par un large escalier direct avec point de départ à l’open-front des rues Bourgogne-Ducerceau.
Dès l’entrée, deux solutions audacieuses et élégantes attirent l’attention : l’ensemble du gros œuvre repose seulement sur trois colonnes avec une portée de 13 mètres, ce qui est exceptionnel pour une surface au sol de 1100 mètres carrés et 4 étages. Un vaste escalier se développant avec une certaine ampleur résout principalement l’interpénétration des différents étages de vente (un ascenseur assure les déplacements rapides et il est prévu par la suite l’installation d’escalators). Enfin, une terrasse au quatrième étage permet de jouir d’un splendide panorama sur la ville et le Val de Loire.
L’ensemble des études, projets, maquettes et plans d’exécution concernant la devanture, la rampe d’escalier, l’implantation des appareils d’éclairage, l’ambiance générale et le mobilier de vente (à l’exception des stands Dralux et Bata) a été réalisé par José Honhon.
L’utilisation rationnelle des couleurs crée une atmosphère particulière à chaque département de vente, l’ensemble s’intégrant néanmoins dans un tout dont l’axe est précisément cette cage d’escalier qui a l’inestimable avantage de ne rompre à aucun moment le ‘’charme’’ de l’ambiance et de lui assurer ainsi une continuité absolue de l’entrée du visiteur à la sortie du client.
L’éclairage général sous tension 220 volts est fourni par des éléments standards fixes Philips encastrés dans le plafond et composés de 2 tubes fluorescents à cathode chaude TSL 40 watts ‘’blanc de luxe’’ et de 2 lampes à incandescence Stabilux permettant par ailleurs l’éclairage instantané par suppression des ballasts. Là encore, on a résolument laissé de côté l’idéal technique de l’éclairage mobile et du plafond noir pour lui préférer une ambiance lumineuse plus accueillante et infiniment moins coûteuse à réaliser. L’innovation est l’implantation originale des éléments standards d’éclairage qui contribue puissamment à guider la clientèle puisqu’elle souligne les allées de circulation.
Le Rez-de-chaussée jouant le rôle très important de ‘’plaque-tournante’’ de distribution de la clientèle, l’implantation est droite (iron-grid planning) avec de larges allées s’équilibrant autour des lignes de force de la surface de vente (lignes joignant les points d’accès de l’extérieur – entrées – et les moyens de communication verticaux – escalier et ascenseur). Le mobilier de vente est du type bergerie, dont la forme classique est renouvelée et allégée. On trouve au rez-de-chaussée, le département ‘’articles de pairs’’, bonneterie, chemiserie, lingerie, layette, ganterie, mercerie, etc.
Le sous-sol présente une implantation libre (free-flow) pour les groupes ménage, faïence, verrerie, droguerie et un libre service alimentation avec des gondoles classiques. Le groupe ménage est doté d’un nouveau type de meuble de vente : il utilise la présentation étagée de la gondole-proposition (favorable à une présentation de masse), mais comporte au milieu un passage d’où la vendeuse peut servir les clients et encaisser en période d’affluence (s’apparentant ainsi à la bergerie).
Le sous-sol présente une implantation libre (free-flow) pour les groupes ménage, faïence, verrerie, droguerie et un libre service alimentation avec des gondoles classiques. Le groupe ménage est doté d’un nouveau type de meuble de vente : il utilise la présentation étagée de la gondole-proposition (favorable à une présentation de masse), mais comporte au milieu un passage d’où la vendeuse peut servir les clients et encaisser en période d’affluence (s’apparentant ainsi à la bergerie).
Le premier étage (free-flow) groupe les confections dames et hommes ainsi que deux départements en gérance : le blanc Dralux et les chaussures Bata.
Le deuxième étage (free-flow) est réservé aux meubles, à l’ameublement, chauffage, jouets, voyages et un salon de thé situé dans l’arrondi à joints vifs de l’open-front principal.
Enfin le troisième étage et le deuxième sous-sol sont réservés aux services administratifs, réserves et aux services annexes.
Ajoutons enfin qu’un monte-charge de 800 kg dessert tous les étages et que le chauffage est réalisé par de l’air pulsé et des chaudières à grésillon de coke.
Revue Urbanisme, numéro 33/34, 1954
Les nouveaux bâtiments des Galeries Orléanaises, inaugurés à la fin de 1903, regroupent en un seul magasin plusieurs exploitations commerciales d’une même firme, dont la plupart des locaux, répartis dans la ville, furent détruits lors des bombardements de 1940.
Sur un terrain de 1.100 m2 s’élève un bâtiment à ossature en béton armé qui, en dehors des piliers en façades ne comporte que 3 points d’appui intérieur ce qui facilite les aménagements les plus souples en fonction des nécessité de l’organisation commerciale.
Le maximum de surface de vente a pu être obtenu à tous les niveaux grâce, en particulier, à l’utilisation pour les réserves d’un bâtiment annexe existant, relié par un tunnel aux Galeries Orléanaises. Outre ce bâtiment annexe, les réserves, services techniques et services administratifs du magasin occupent le second et le troisième sous-sol ainsi que le troisième étage.
Le public a également accès à la grande terrasse qui couronne l’édifice. Le sous-sol est desservi par 3 escaliers principaux. Les étages sont accessibles par un grand escalier que doublent un escalier de secours et un escalier de service ainsi que des ascenseurs et monte-charges.
Les entrées du public ont été très dégagées et se continuent dans le magasin par de larges circulations de façon à faciliter les mouvements du publie. On a également utilisé au maximum, au rez-de-chaussée, les surfaces vitrées de façon à faire participer le passant, futur client, aux mouvements et activités intérieurs.
Aux étages les façades ne sont pas aveugles mais ne sont pas non plus totalement ouvertes puisque le remplissage entre les colonnes verticales de la façade est assuré par des panneaux de verre trempé granulé St-Gobain.
Plan du rez-de-chaussée. On distingue les 3 piliers centraux laissant plus de souplesse à l’implantation des rayons.
Le chauffage est assuré par air pulsé filtré avec régulation automatique. L’installation permet également la réfrigération. Indépendamment de l’insufflation d’air qui amène une légère surpression dans le magasin, il a été prévu au 1er sous-sol où sont situés les rayons d’alimentation, une extraction d’air vicié de 13.000 m3 par heure (renouvellement de 4 fois le volume d’air).
L’éclairage est réalisé par des éléments Phillips à lumière composée (mélange de fluorescent et d’incandescent) ; ces éléments sont encastrés dans le plafond.
L’installation des Galeries Orléanaises du point de de l’aménagement intérieur et du climat à créer, tant décoratif que fonctionnel, s’est réalisée grâce une étroite collaboration entre l’architecte et le décorateur.
José HosnoN, conseil en décoration fonctionnelle, responsable de l’aménagement commercial (devantures, mobilier) ainsi que l’ ambiance générale a su réaliser le décor fonctionnel nécessaire au magasin en respectant l’architecture intérieure.
Il a su éviter de créer un décor fugitif mais a conçu un ensemble qui constitue un support raisonné pour la vente : devantures d’une grande simplicité, entrées dégagées toutes en glace, lignes de circulation du public dégagées et orientées que souligne d’ailleurs l’implantation des appareils d’éclairage.
Mobilier toujours sobre et traité dans un même esprit mais tenant compte des besoins très précis des différents types de ventes.
Couleurs enfin, étudiées par départements, pour obtenir une distribution chromatique équilibrée, en valeur et en intensité selon la marchandise à exposer et qui concourt heureusement à créer une atmosphère de dynamisme commercial.