France

Claude Ferret à gauche et Louis Simon à droite, Fonds Simon AN/IFA

L’îlot, pierre angulaire de la reconstruction de Royan

Les bombardements de janvier et avril 1945 ont fait de Royan un véritable champs de ruines. Si Claude Ferret a assez rapidement dessiné le schéma général des principaux axes urbains de la ville nouvelle, restait à le traduire de façon plus détaillée en précisant notamment le tracé des rues. 

Marc Bauhain, fils de Jean Bauhain l’un des principaux architectes de la Reconstruction de Royan, nous permet dans cet article de mieux comprendre comment Claude Ferret a utilisé le concept des îlots (pâté de maisons) pour mettre en œuvre son plan de reconstruction. Et de mieux percevoir la latitude architecturale dont ont bénéficié les propriétaires selon que leur bien se trouvait dans les quartiers à forte densité du centre-ville ou plus à l’extérieur.

    

En premier lieu, redessiner le réseau viaire

Le centre de Royan avait été dévasté à 90 % après les bombardements de janvier et avril 1945. Les urbanistes se sont donc retrouvés avec une ville à reconstruire.

Un choix aurait pu être fait de reprendre les anciennes rues, de reconstruire plus ou moins à l’identique et de faire que chaque propriétaire se retrouve là où il était.

Cette option n’a pas été choisie, le plan du centre-ville a  été refait, avec de nouveaux axes, des rues plus larges. 

Dans d’autres parties de Royan, où les bombardements avaient été moins massifs, ou partiels l’ancien plan a été repris. 

Ci-dessous, deux exemples du quartier Foncillon Notre-Dame, avec la superposition du plan de la reconstruction sur l’ancien plan de la ville.

Royan en ruines © collection M. Sicard
Plans superposés, secteur ”Gambetta – rue des bains”
Plans superposés secteur ”Gambetta rue Notre-Dame”

Anecdote : Vous pouvez voir sur l’ancien plan une rue de l’électricité, car elle longeait une usine qui en produisait. Aujourd’hui,  il y a une rue de l’électricité dans le quartier de la gare. La rue des Jardins a disparu au profit de la rue Gambetta, mais aujourd’hui, il y a une rue des Jardins dans le quartier du Parc. 

Attention pour ceux qui recherchent  des plans de la reconstruction car souvent la rue  indiquée est celle de l’ancien plan, et qu’aujourd’hui une rue du même nom ce trouve à l’autre bout de Royan !

Puis, découper la ville en îlots

A partir du moment où on ne reconstruit pas à l’identique, il faut que les sinistrés retrouvent leurs droits. Il faut donc procéder à un remembrement, c’est-à-dire qu’à partir de l’ancien cadastre, on dessine de nouvelles parcelles.

Ces parcelles sont regroupées dans un périmètre délimité en général par des rues (existantes ou à créer) appelé îlot.

Une fois ce remodelage du dessin des quartiers et des rues décidé, Royan a été découpé en ilots (en jaune). Ci-dessous deux exemples de plans des ilots.

On peut voir en bleu la trace des anciennes rues et parcelles cadastrales. 

Carte des îlots du secteur ”Foncillon Pontaillac”
Carte des îlots du secteur ”Centre-ville / Grande Conche”

Les différents types d’îlots 

 A l’intérieur de chaque îlot, des parcelles ont été définies. Il existe des ilots correspondant à des immeubles d’architecture uniforme comme boulevard Briand, ou le Front de Mer, et d’autres îlots correspondants à des maisons individuelles, ou des petits immeubles.

Pour beaucoup d’ilots, un architecte était désigné comme chef de groupe ou d’opération, et pour chaque sous unité était désigné un cabinet d’architecte qui disposait d’une plus ou moins grande latitude de création. 

Façades identiques Boulevard Briand et Front de Mer, plus grande variété par exemple pour l’ilot 19  délimité par les rue Notre Dame (unités 1 et 2), rue Gambetta (unités 4 et 5), rue des Bains, rue Pierre Loti (unité 3). 

Ci-dessous le schéma pour l’ilot 19.

Les îlots destinés à des maisons individuelles ou petits immeubles 

 

Ici par exemple l’ilot N 91, chaque sinistré se voit attribué une parcelle, sur ce plan le nom du bénéficiaire est noté sur sa parcelle. 

Sur cet exemple, les parcelles attribuées ont souvent été reprises à partir du cadastre ancien, et dans ces rues peu modifiées les propriétaires ont pu reconstruire, à peu près, sur leur terrain d’avant-guerre. Ici pas de chef d’îlot, pas non plus d’unité d’architecte, chaque propriétaire a pu choisir son architecte, on peut compter au moins une dizaine d’architectes pour cet îlot. Cependant les permis de construire étaient instruits par le MRU, et une certaine unité pouvait être instituée.

îlot 91 entre la rue du printemps et la rue des moulins

Les îlots d’immeubles collectifs 

 

Dans ces immeubles, les sinistrés  se sont vus attribuer un ou plusieurs appartements, selon le montant du bien sinistré. C’est le cas du boulevard Briand, du Front de Mer, de la Résidence des Congrès. Dans ces cas les sinistrés se sont retrouvés dans des lieux et des biens ne correspondant pas du tout à leurs anciens biens.Les sinistrés étaient souvent regroupés dans des associations qui les représentaient auprès des autorités.

 

Tout ce travail de plans d’urbanisme, de remembrement, de définition des îlots, de calcul du montant des sinistres a pris beaucoup de temps.

Les permis de construire pour le boulevard Briand, par lequel la reconstruction a commencée, sont de 1948, ou 1949, les Royannais se plaignaient qu’en 1950 la reconstruction était à peine en son début.

 

Marc BAUHAIN