Edifices religieux

4/7. Nouveaux plans, nouvelles formes

Grâce au béton armé et au mouvement catholique d’ouverture sur le monde, les architectes de la Reconstruction vont pouvoir faire preuve d’audace, tant qu’en ce qui concerne la disposition intérieure des églises que pour ce qui est de leurs formes. 

Depuis la nuit des temps, les églises étaient construites sur la base d’un plan en croix latine ou grecque. Pourtant, dès l’entre-guerre, des voix s’étaient élevées pour remettre en cause ce plan traditionnel.  Avec le retour à la paix et l’ampleur des chantiers de la Reconstruction, les architectes vont pouvoir faire preuve d’audace et d’une extrême créativité, tant qu’en ce qui concerne la disposition intérieure des églises que pour ce qui est de leurs formes. 

L’église circulaire ou polygonale apparaît comme le parti le mieux adapté aux nouvelles exigences du culte, assurant d’une part une visibilité optimale de l’action liturgique et évitant, d’autre part, l’éloignement des fidèles par rapport à l’autel qu’imposait un plan en croix grecque ou latine.

L’église Saint-Pierre d’Yvetot

Situé quasiment à mi-chemin entre Le Havre et Rouen, Yvetot a été lourdement bombardée en 1940. L’église devra finalement être rasée.

Œuvre des architectes Pierre Chirol, Robert Flavigny et Yves Marchand entre 1949 et 1956, la nouvelle église Saint-Pierre d’Yvetot a été construite sur un plan circulaire.

Le campanile, haut de 45 mètres, est relié à la nef par un baptistère.L’édifice mesure 40 mètres de diamètre et 20 mètres de hauteur a été réalisé en béton armé apparent teinté dans la masse. La grande nef peut accueillir 700 personnes et la chapelle d’hiver 200.  Ses plus de mille mètres carrés de vitraux de Max Ingrand sont parmi les plus vastes d’Europe. Dès que l’on y entre, on est frappé par sa luminosité et son atmosphère tout à fait particulière.

L’église Saint-Julien à Caen

Lors du Débarquement, la ville de Caen, célèbre pour très nombreux édifices religieux, a été lourdement détruite.

Dans le cadre du nouveau plan d’urbanisme, il a été décidée de reconstruire la nouvelle église Saint-Julien au nord de la ville.

Son architecte, Henry Bernard (premier grand prix de Rome, à qui on doit notamment la Maison de la Radio à Paris et le Plais de l’Europe à Strasbourg) lui a donné une forme elliptique. « On lui a donné à dessein la forme de l’arche de Noé surmontant le Déluge (…), le grain de froment avec son germe, l’autel » dira l’architecte.

L’église peut accueillir jusqu’à 1000 personnes.  Son toit, un voile mince de béton repose sur quarante-quatre piliers en béton, tous intégrés dans la parois extérieure de l’édifice. Tout comme l’église Saint-Pierre d’Yvetot, l’église Saint-Julien de Caen est magnifiquement mise en valeur par ses vitraux. 4500 pavés de verre de 50 teintes différentes, œuvre du peintre et verrier Jean Edelman.

L’église du Sacré Cœur de la Guérinière à Caen

Toujours à Caen, l’architecte Guy Pison conçoit pour le nouveau quartier de la Guérinière, une église tout à fait originale. avec son plan en forme de sablier au centre duquel se trouve le maitre-autel, et son toit aux pentes inversées.

Contraint par un budget particulièrement serré, l’architecte a adopté pour couvrir l’édifice, non pas un voile mince en béton, mais une structure tridimensionnelle sur laquelle repose une toiture métallique. 

L’église Sainte Jeanne d’Arc à Belfort

L’église Sainte-Jeanne-d’Arc a été construite par l’architecte Marcel Lods entre 1951 et 1957 dans le quartier populaire de la Pépinière qui avait été gravement affecté par des bombardements en 1944. Par rapport au projet initial de centre paroissial, seules l’église, la sacristie et la cure ont été édifiées. La nef rectangulaire peut accueillir 700 fidèles. Cette église se caractérise aussi par ses vitraux du maitre-verrier Jean-Luc Perrot, réalisés en dalles de verre enchâssés dans le béton, et que Marcel Lods a placé de telle sortes qu’ils ne soient pas visibles depuis la nef afin de créer une ‘’ambiance spirituelle’’ tout à fait particulière. 

L’église Notre-Dame des Pauvres à Issy-les-Moulineaux

Au salon de l’art sacré de 1953, l’église Notre-Dame des Pauvres est citée avec la chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp de Le Corbusier comme l’un des projets les plus intéressants exposés. 

Œuvre des architectes Jean-Blaise Lombard et Henri  Duverdier, l’édifice est basé sur un plan trapézoïdal et peut accueillir 300 fidèles.

Le toit légèrement en pente constitué d’un voile mince de béton repose sur une ossature en béton armé. Le mur de parement en moellons de pierres des Vosges bleutées met particulièrement bien en valeur les magnifiques vitraux du peintre Léon Zack. Le campanile et le baptistère sont hors d’œuvre. « Les dispositions liturgiques d’avant-garde destinées notamment à rapprocher les fidèles de l’autel, ainsi que l’unité de son décor dominé par l’art abstrait en font un édifice clé de la reconstruction en Île-de-France » selon Claire Vignes-Dumas qui l’a particulièrement étudié. 

L’église Notre-Dame de l’Assomption à Royan

Conçue et réalisée en 1952 par Jean Bauhain, avec ses associés René Baraton et Marc Hébrard, l’église Notre-Dame de l’Assomption de Royan affiche clairement ses références à la chapelle Saint-François construite par Oscar Niemeyer à Pampulha au Brésil.On distingue ainsi le profil la voile en béton auto-portant de la nef. La mosaïque colorée rappelle celles qui ornent fréquemment les églises d’Amérique latine.  

L’église Saint-Pierre Saint-Paul à Maubeuge

Joseph Abram décrit ainsi l’église Saint-Pierre Saint-Paul de Maubeuge, construite en 1947 et 1958 : elle « présente un intérêt particulier dû à la collaboration des frères André et Jean Lurçat.   

L’édifice, sur plan trapézoïdal, comporte une nef unique avec chœur demi-cylindrique et déambulatoire. Il est pourvu d’un clocher latéral, traité à la manière d’un campanile.

La nef est largement éclairé au moyen de pavés de verre blanc. La façade tripartite, animée par l’ondulation d’un triple auvent, comporte en partie basse, entre les encadrements des portails, une mosaïque de Jean Lurçat. Celle-ci contraste, par la richesse de ses motifs, avec la partie supérieure, plus dépouillée. Le peintre relaye ici l’architecte dans le traitement plastique du mur, renouant, comme au plateau d’Assy, avec la répartition séculaire des tâches ».  

JLV  

SOURCES :

‘’Architecture religieuse au XXème siècle, quel patrimoine ?’’, ouvrage collectif sous la direction de Céline Frémaux, Presses Universitaires de Nantes & Institut National d’Histoire de l’Art, 2007

‘’Patrimoine Sacré du XXème et du  XXIème siècle, Paul-Louis Rinuy, collection patrimoine en perspective, Éditions du patrimoine   

’Vingt siècles d’architecture religieuse en France’’, Jean-Michel Leniaud, Éditions Patrimoine Références, 2007

‘’L’’architecture moderne en France, tome 2, du chaos à la croissance, 1946-1966’’, Joseph Abram,  Éditions Picard, 1999

’la construction d’églises dans la seconde moitié du XXème siècle : une affaire d’État ?’’ Céline Frémeaux

Les temples protestants « monuments historiques » en Poitou-Charentes, Brigitte Montagne, Yannick Comte et Catherine Tijou, https://doi.org/10.4000/insitu.4893

‘’Auguste Perret’’, collection Carnets d’architectes aux éditions du Patrimoine

‘’ Georges-Henri Pingusson’’, collection Carnets d’architectes aux éditions du Patrimoine, 2011

‘’Construire une église’’, Georges-Henri Pingusson, L’Art Sacré, novembre 1938