Les architectes Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal et Frédéric Druot ont remporté en 2021 le Prix Pritzker, la plus haute distinction du monde de l’architecture, pour leur rénovation du quartier du Grand Parc à Bordeaux.
Une opération qui reprenait à une plus grande échelle ce qu’ils avaient appliqué, dix ans plus tôt à Paris, sur la tour du Bois-le-prêtre. A l’opposé de toutes les pratiques habituelles en matière de rénovation, elle leur avait permis de recevoir en 2011 une Équerre d’Argent.
La tour du Bois-le-prêtre ayant été construite par Raymond Lopez entre 1958 et 1961, nous nous devions de saluer sa rénovation, exemplaire à plus d’un titre.
La tour du Bois-le-prêtre fait partie d’un ensemble immobilier dont la construction avait été confiée par l’OPHLM de Paris à l’architecte Raymond Lopez (assisté de son fidèle ami l’architecte Michel Holley). Le projet avait pour objectif de construire dans le XVIIème arrondissement, entre la Porte Pouchet et la Porte des Poissonniers, 1100 logements sociaux, des espaces verts, des écoles et des équipements sportifs.
La tour Bois-le-prêtre est l’un des bâtiments de cet ensemble d’immeubles. Bordée à l’est par le cimetière des Batignolles, elle va être coupée de la proximité des communes de Clichy et de Saint-Ouen par la construction du Périphérique en 1966.
Le bâtiment en lui-même est construit sur la base d’un système de plancher et de voile béton, avec des façades légères et des loggias à tous les étages.
Cette tour avait fait l’objet d’une première rénovation au début des années 90 qui va quelque part banaliser l’apparence de l’édifice en supprimant notamment les loggias voulues par Raymond Lopez pour animer la façade. Elle sera vite identifiable par les automobilistes depuis le Périphérique par l’énorme enseigne ‘’GSF nettoyage industriel’’ installée sur son toit.
Au début des années 2000, dans le cadre des chantiers de la Politique de la Ville, un grand projet de renouvellement urbain est lancé afin de réhabiliter et désenclaver ce quartier. La tour Borel, jugée trop proche du périphérique, et un tiers de la Barre Borel vont être détruites. La Tour du Bois-le-prêtre quant à elle devra être réhabilitée. De nouveaux logements seront construits, la fourrière déplacée, de nouveaux espaces verts créés.
En 2008, l’Office d’HLM de la Ville de Paris décide de faire spécifiquement de la future rénovation de la tour du Bois-le-prêtre un exemple de concertation avec les habitants et de prise en compte du développement durable. « L’OPAC veut démontrer qu’en dépensant moins – 100.000 euros par logement contre les 170.000 euros nécessaires à une démolition-reconstruction – l’opération sera plus réussie que dans du logement neuf ».
C’est l’équipe des architectes Frédéric Druot, Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal qui remporte le concours. Les solutions qu’ils proposent de mettre en œuvre vont véritablement transformer la vie des habitants de cette tour et proposer un nouveau mode de rénovation urbaine.
«Détruire, c’est gaspiller ! (…) Il s’agit de ne jamais démolir, ne jamais retrancher ou remplacer, toujours ajouter, transformer et utiliser (…). On a beaucoup entendu dire que cette tour était moche. Comment peut-on dire cela d’un lieu où vivent, aiment, meurent des gens depuis 1962 ? Elle était devenue obsolète techniquement. Insalubre, car abandonnée par le bailleur. Un tuyau de toilettes fuyait sur seize étages. Mais la structure est très bien, nous l’avons gardée.»
Haute de 50 mètres, cette tour de 16 niveaux construite par Raymond Lopez comportait depuis l’origine 96 appartements (32 ‘’6 pièces’’, 28 ‘’3 pièces’’, 36 ‘’2 pièces’’). Afin de mieux correspondre aux attentes des locataires et du bailleur, les transformations entreprises vont permettre de passer de 96 à 100 logements, toujours du 2 pièces au 6 pièces, mais avec des duplex.
L’ensemble du bâtiment va bien sûr être remis aux normes, ses parties communes étant rénovées.
Mais l’originalité du projet des architectes tient à la transformation des façades. L’ajout d’extensions sur toute la périphérie de la tour permet un agrandissement notable de tous les appartements et, par conséquent, une amélioration sensible de la qualité de vie des habitants. La surface habitable va ainsi être portée de 8.900 m2 à l’origine à plus de 12.000 m2, soit 35 m2 de surface supplémentaire en moyenne par logement.
Le bilan énergétique des opérations de démolition-reconstruction est de plus généralement mauvais, voire très mauvais pour l’environnement. La solution consistant, non pas à démolir la tour du Bois-le-prêtre pour reconstruire de nouveaux logements, mais à la rénover substantiellement, est une solution nettement préférable pour l’environnement.
Ceci a été rendue possible, du fait de la volonté du bailleur et des locataires, mais aussi compte tenu de l’état et de la configuration du bâtiment. Certes le bâti semblait dégradé et ne répondait plus aux nouvelles exigences en matière de performance énergétique, mais il ne présentait pas de défauts majeurs.
L’opération de la tour du Bois-le-prêtre a également permis de démontrer qu’il est possible de restructurer un immeuble HLM sans passer par la démolition-reconstruction, et donc d’offrir la possibilité aux habitants de conserver leur logement. Un souhait qui répondait à l’attente de la grande majorité d’entre eux. Le cahier des charges précisait d’ailleurs : « L’OPAC s’engage auprès de chaque locataire à leur laisser la possibilité́ de continuer d’habiter le même appartement ». Le même appartement, mais un appartement qui aura été très sensiblement amélioré !
Autre contrainte fixée par le bailleur, les travaux devaient être menés à bien ‘’en site occupé’’. Ceci impliquait au bailleur d’être capable de proposer aux habitants pendant les travaux entrepris dans leur appartement, un logement-relais et de jouer sur les logements se trouvant vacants dans la tour. Le bailleur a même permis à certains locataires (des personnes âgées notamment) de pouvoir rentrer chez eux chaque soir après avoir passé la journée dans un appartement-relais.
Le coût global de l’opération a été de 11,25 millions d’euros, à comparer au coût d’une démolition-reconstruction estimée par le bailleur initialement à 20 millions d’euros.
JL V
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