La résidence des Bleuets a été construite entre 1959 et 19662 par le tout jeune architecte Paul Brossard sur l’emplacement d’anciennes carrières. Le programme doit porter sur la construction de 560 logements H.L.M.
Il va concevoir un ensemble immobilier tout à fait original, typique de l’architecture brutaliste.
Labelisée ‘’Architecture contemporaine remarquable’’, la résidence des Bleuets a fait l’objet récemment d’une ambitieuse réhabilitation tout à fait réussie.
Si les dix bâtiments de 5 étages sont disposés en éventail selon un axe nord/sud et dans le sens de la pente, les parkings étant relégués à la périphérie selon les principes de la Charte d’Athènes, Paul Brossard rompt avec les classiques bâtiments parallélépipèdiques blancs de ses contemporains en adoptant une architecture ‘’brutaliste’’. Très vite, la cité des Bleuets a d’ailleurs été dénommée par les habitants du quartier ‘’la cité des Blockhaus’’ !
Comme l’écrit avec beaucoup de justesse Jacques Lucan « au lieu d’alléger les structures pour signifier la perfection lisse et géométrique de l’industrialisation du bâtiment (comme le font à l’époque Lods, Dubuisson ou Ginsberg), Brossard choisit, au contraire, d’alourdir l’aspect de la construction, pour mieux ancrer les immeubles dans le sol des carrières ; Il charge la matière brute du béton d’empreintes irrégulières et d’incrustations de moellons de schistes. Les lourds bandeaux saillants qui marquent les étages donnent à ces barres bloquées sur leurs socles pyramidaux une allure puissante, presqu’archaïque ».
Les façades sont constituées d’éléments préfabriqués en béton brut rainuré. Les niveaux sont soulignés par de larges bandeaux dans lesquels les maçons ont incrusté des plaques de schiste et d’ardoise. Des gargouilles en béton jaillissent du toit.
Le terrain de quatre hectares a été entièrement remodelé pour créer des perspectives et des jeux de niveaux. Des arbres ont été plantés. Paul Brossard recherche en effet « l’alliance harmonieuse de la terre et de l’arbre, du béton et de la pierre renforcée par de larges baies vitrées » pour créer un ensemble où paysage et architecture se complètent à l’envi.
Les logements des Bleuets sont aménagés à l’instar des appartements des Unités d’habitation de Le Corbusier et de Charlotte Perriand : cuisine en second jour avec passe-plat intégré, chambres d’enfants coupées en deux par une cloison coulissante, placards intégrés dotés de portes coulissantes avec de longues poignées en aile d’avion…
On le voit, pour une première réalisation, ce jeune architecte a réalisé un coup de maître.
Malheureusement, la résidence des Bleuets vieillira mal. Au fil du temps, les couleurs s’estompent, la grisaille s’installe. Le quartier est délaissé. Des travaux de rénovation sont entrepris en 1987, mais sans effet.
Les Bleuets vont néanmoins 1999 être labellisés ‘’Patrimoine du XXème siècle’’ aujourd’hui ‘’Architecture contemporaine remarquable’’. Et l’on parle de plus en plus d’une ambitieuse opération de réhabilitation du quartier.
L’agence RVA avait été missionnée, dès 2000 par le bailleur HLM Efidis pour une étude de faisabilité. En 2003, début de la concertation avec les habitants. La convention avec l’ANRU est signée en 2008. Le projet définitif débute en 2010. Les travaux s’achèvent en 2018.
Le programme de rénovation comprend la démolition du bâtiment F (entourée en pointillés rouges sur le plan ci-dessous) afin de désenclaver le quartier et construire à la place un centre socio-culturel.
Les espaces extérieurs vont être repensés de façon notamment de créer un nombre plus important de places de parking et des espaces de jeux sécurisés pour les enfants.
Mais la partie la plus importante du projet porte bien évidemment sur la réhabilitation des bâtiments, leur mise aux normes, l’amélioration de leur performance énergétique et la reconfiguration des logements pour les rendre plus attractifs.
Au total, le projet vise à renouer avec l’esprit d’origine du quartier, une architecture puissante ancrée dans une nature sauvage, née d’un dialogue fertile entre le béton, le bois et le verre. De quoi redonner une véritable identité à cette cité HLM de banlieue.
Pour des raisons évidentes, l’amélioration des performances thermiques des bâtiments excluait le recours à l’isolation par l’extérieur. Elle se fera donc par l’intérieur, les logements n’étant plus occupés durant les travaux. Les 2.500 habitants de la cité des Bleuets ont dû ainsi être relogés ailleurs.
Afin de retrouver l’aspect brut des bétons originels et décaper la peinture blanche appliquée dans les années 80, il a été nécessaire de les sabler. Les épaufrures liées au gonflement des aciers ont dû être traitées.
Certains bandeaux trop abimés, ont dû être repris à l’identique. Les plaques de schistes et d’ardoise qui se délitaient purgées manuellement. Le coques d’angle des soubassements elles-aussi restaurées.
En revanche, les jardinières qui étaient intégrées dans les bandeaux horizontaux en béton brut au niveau des étages ont été rebouchées pour éviter l’accumulation de déchets, mais les habitants se les sont très vite réappropriés.
Lors de la rénovation opérée en 1987, les menuiseries d’origine en bois avaient été remplacées par des menuiseries en aluminium.
Des menuiseries en bois de teinte rouge reprenant la modénature des fenêtres d’origine, ont été installées ainsi que de nouveaux stores en toile de couleur retrouvant ainsi la colorimétrie voulue par Paul Brossard.
Pour le bailleur, il était important de profiter de cette réhabilitation pour reconfigurer les logements, notamment par la suppression de certains cloisonnements ou le déclassement de certains appartements, afin de les rendre plus adaptés aux modes de vie actuels, et donc plus attractifs.
Le système d’origine de chauffage à air pulsé a été démonté et remplacé par un chauffage traditionnel avec des radiateurs à eau chaude. Les conduits de chauffage des chambres étaient cachés par les banquettes. Celles-ci contiennent aujourd’hui le système de volet roulant des pièces de l’étage inférieur.
Les halls d’entrée ont été rénovés, dotés d’un éclairage et de revêtements de qualité. Les boîtes aux lettres ont retrouvé leur place à l’intérieur dans un espace protégé. Autant d’éléments qui participent à la requalification de l’ensemble et à son attractivité.
Les cages d’escalier, les locaux à vélos et ceux dédiés aux ordures ménagères rénovés également.
Un grand soin a été apporté à la réhabilitation des espaces extérieurs. Un rehaussement d’une cinquantaine de centimètres des talus a permis de créer une discrète séparation des espaces publiques du par cet des espaces plus résidentiels. La plupart des pelouses ont été remplacées par des prairies fleuries qui contribuent à la biodiversité et au caractère brutaliste de l’architecture voulue par Paul Brossard.
Des espaces de jeux pour les enfants et de rencontres ont été créés. Des massifs buissonnants ont été plantés pour isolés les parcs de stationnement.
Montant des travaux : 80 M€ : 64 M€ pour la réhabilitation des bâtiments, 7,8 M€ pour les espaces extérieurs, 8,3 M€ pour la voirie. 41 M€ pris en charges par le bailleur social EFIDIS, l’autre moitié par l’ANRU et les collectivités locales.
Surfaces concernées : 34 120 m2 SHAB avant travaux – 31 325 m2 SHAB après travaux
Nombre de logements : 602 logements existants -> 533 logements après travaux
283 réhabilités – 139 restructurés – 111 logements déclassés – 46 démolis (bâtiment F)
Performances thermiques : Passage de l’étiquette F (390 KWh/m2/an) à C (150 KWh/m2/an)
Maitre d’ouvrage : EFIDIS
Maitre d’oeuvre : RVA
Adresse de la résidence des Bleuets : rue Henri Koch et rue Charles Beuvin à Créteil
SOURCES :
Un remerciement tout particulier à l’Agence RVA de Dominique Renaud et Philippe Vignaud qui a conduit cette rénovation exemplaire. https://www.agencerva.com/projet/creteil-bleuets/
‘Réhabilitation du quartier des Bleuets à Créteil (94) – CAUE IdF , Mars 2018